J.O. 266 du 15 novembre 2002       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet

Texte paru au JORF/LD page 18810

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Rapport au Président de la République établi par la Commission nationale de contrôle de la campagne pour l'élection présidentielle (scrutins des 21 avril et 5 mai 2002)


NOR : HRUX0206042P







Pour la septième fois depuis sa création (soit une fois tous les cinq ans et trois mois en moyenne), cet organisme spécifique, parce qu'à éclipse, qu'est la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale en vue de l'élection présidentielle, a été réuni en 2002 en vue d'exercer sa mission dans les semaines précédant le scrutin.

Bien que ce dernier soit désormais largement encadré par les textes constitutionnels, législatifs et réglementaires et par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, et que l'expérience des scrutins successifs en rende la pratique plus aisée, la campagne électorale qui le précède n'est pas pour autant un exercice simple et dénué de difficultés. Il revient à la commission, pour l'essentiel, d'assurer l'égalité entre les candidats de telle sorte que les résultats électoraux soient incontestables (à défaut d'être incontestés). Or, comme souvent en la matière, la clarté du principe ne signifie pas que la réalisation en soit évidente. Les difficultés qui ont pu survenir tiennent pour partie, mais pour partie seulement, aux conditions particulières de l'élection de 2002, notamment du nombre de candidats au premier tour et de la configuration particulière du second. Elles proviennent en réalité surtout, d'une part, de la dimension matérielle de l'événement (ainsi chaque candidat doit assurer l'impression de déclarations en quarante-trois millions d'exemplaires ; ou encore avaient été imprimés en 1995 un million de carnets à souches de reçus de dons) ; d'autre part, des délais dans lesquels est enfermé l'ensemble de l'opération ; enfin, de la conciliation de l'égalité avec les nécessités et les moyens contemporains d'informer.

C'est pourquoi il a paru à la commission nécessaire de faire connaître dans son rapport ces difficultés. Toutes n'appellent pas nécessairement des réformes. Mais toutes requièrent des réflexions, et non pas seulement des acteurs publics, sur les comportements, de telle sorte que la compétition électorale puisse à la fois demeurer conforme aux principes qu'inspire notre démocratie et remplir parfaitement son objet - informer chaque électeur sur le programme et la personne des candidats.


PREMIÈRE PARTIE

Le cadre juridique et le fonctionnement

de la Commission nationale de contrôle

A. - Le cadre juridique et le fonctionnement de la commission

1. Les textes

a) Les textes originels


Il est à peine besoin de rappeler que l'élection présidentielle est régie, dans son principe et ses modalités, par les articles 6, 7 et 58 de la Constitution, modifiés à plusieurs reprises et en dernier lieu, pour la détermination de la durée du mandat présidentiel, par la loi constitutionnelle du 2 octobre 2000. Ces modifications n'ont affecté en rien la mission de la Commission nationale de contrôle. Cette dernière n'apparaît d'ailleurs pas dans le texte constitutionnel.

L'article 6 renvoie à une loi organique les modalités de son application. La loi organique du 6 novembre 1962, dans son article 3, fréquemment modifié lui aussi (par exemple pour énumérer les élus habilités à présenter des candidats ou pour fixer le plafond des dépenses électorales), définit ces modalités. L'article 3.IV prévoit ainsi que « tous les candidats bénéficient, de la part de l'Etat, des mêmes facilités pour la campagne en vue de l'élection présidentielle », le V renvoyant pour sa part à des dispositions réglementaires l'application des prescriptions de la loi organique. Celle-ci définit également très précisément les dispositions législatives du code électoral applicables à l'élection présidentielle : beaucoup de celles en usage pour les campagnes électorales municipales, cantonales ou législatives sont ainsi transposables à l'élection présidentielle (art. L. 47 à L. 52-2 ; L. 52-4 à L. 52-11 ; L. 52-12 et L. 52-16 du code). Comme l'a noté le précédent rapport de la commission (cf. note 1) , elles comprennent ainsi, notamment, les fortes limites, apportées par le législateur en 1990 et en 1995, aux utilisations de procédés commerciaux par les candidats et, plus généralement, les contrôles sévères institués en matière de financement de la campagne.

Le texte d'application de la loi organique du 6 novembre 1962 a été longtemps le décret portant règlement d'administration publique no 64-231 du 14 mars 1964. Il comportait quatre titres, portant respectivement sur les déclarations (c'est-à-dire les présentations ou « professions de foi » de candidats) et les candidatures, la campagne électorale, les opérations électorales et le contentieux de l'élection. C'est dans le deuxième titre qu'étaient données la composition et la mission de la commission, chargée de veiller au respect du principe d'égalité entre les candidats posé par l'article 3.IV de la loi du 6 novembre 1962, d'une part, et d'assurer des attributions relatives aux réunions publiques, à la campagne par voie de presse, aux affiches et aux déclarations des candidats, d'autre part.

Mais ces attributions - la règle n'a pas varié sur ce point - s'exercent naturellement dans le respect des missions dévolues au Conseil constitutionnel (qui établit la liste de candidats dont l'ordre s'impose ensuite pendant la campagne) ; de même que le rôle que peut jouer la commission en matière de campagne « officielle » sur les canaux des sociétés nationales de programme doit s'accorder avec celui que la loi et le règlement confèrent au Conseil supérieur de l'audiovisuel. Le rôle de la commission s'arrête enfin, selon ces dispositions, non avec la fin de la campagne « officielle » sur les ondes, mais avec la fin du scrutin : il lui revient évidemment de contrôler tout débordement de la campagne électorale sur les jours de scrutin de chaque tour ; toutefois le contrôle des opérations électorales relève entièrement du Conseil constitutionnel.

L'existence de la commission, tel que le gouvernement de 1964 a choisi de l'instituer (et les gouvernements successifs de la reconduire) est compatible avec l'article 58 de la Constitution, lequel réserve au Conseil constitutionnel le soin de veiller à « la régularité de l'élection du Président de la République ». Les documents de 1964 font apparaître deux éléments en faveur de la création de la commission : un argument de texte, selon lequel la régularité de l'élection ne se confond pas avec la régularité de la campagne ; un raisonnement demeuré intact avec le temps, en vertu duquel le juge de l'élection - ici le Conseil constitutionnel - ne saurait être simultanément le garant du bon déroulement de la campagne. Autrement dit, la liberté du garant et la liberté du juge ne s'exercent pleinement que distinctes ; le juge n'est pas lié par les considérations faites durant la campagne ; le garant ne saurait, par ses interventions, préjuger du sort qui sera fait à l'élection. Ou encore, il est légitime que le juge n'ait pas à apprécier ce qu'il a pu antérieurement contrôler. C'était là la motivation du Conseil constitutionnel et du gouvernement en 1964 ; elles sont demeurées constantes sur ce point. Au surplus, dans une décision du 9 avril 1995, Mme Gisèle Néron (rec.p. 53), le Conseil constitutionnel, en réponse à un moyen tiré de l'irrégularité du décret du 14 mars 1964, a rappelé que la loi organisant l'élection du Président de la République au suffrage universel avait été adoptée par référendum et constituait ainsi l'expression directe de la souveraineté nationale ; qu'elle avait entendu conférer au gouvernement « les pouvoirs les plus larges pour prendre l'ensemble des mesures nécessaires pour en assurer l'application ». Le décret du 14 mars 1964, comme celui du 8 mars 2001 qui l'a remplacé, ne sont pas les textes d'application d'une loi « banale ». Ce ne sont pas seulement la composition solennelle de la commission, ni même son objet, relatif à un scrutin central de notre vie démocratique, mais les conditions juridiques de son apparition, qui légitiment une large vision de sa mission. L'expérience montre que cette manière de voir a été la bonne, en 2002 comme au cours des campagnes précédentes, au cours desquelles la commission a joué un rôle très positif.


b) La réforme du décret du 8 mars 2001


Au règlement d'administration publique devenu décret en Conseil d'Etat du 14 mars 1964, qui avait été maintenu avec quelques modifications (destinées à introduire notamment les conséquences à tirer des lois sur le financement des campagnes électorales), a été substitué le décret no 2001-213 du 8 mars 2001, complété (trop) peu de temps avant l'élection par un décret relatif à l'application des dispositions outre-mer (décret no 2002-243 du 21 février 2002). Cette modification faisait suite notamment aux observations du Conseil constitutionnel sur l'élection présidentielle des 23 avril et 7 mai 1995 (Journal officiel du 15 décembre 1995, page 18247) et sur celle, alors à venir, de 2002 (Journal officiel du 23 juillet 2000, page 11403).

Le nouveau texte a laissé subsister les principes essentiels du texte précédemment en vigueur.

La composition de la commission reste inchangée : le vice-président du Conseil d'Etat, qui la préside, le premier président de la Cour de cassation et le premier président de la Cour des comptes, qui désignent deux autres membres de ces corps, en activité ou honoraires, pour siéger avec eux. Des suppléants sont également prévus. La liste des membres ne siégeant pas ès qualités et de leurs suppléants a été publiée par décret no 2002-204 du 15 février 2002 (Journal officiel du 17, page 3117). Dans la pratique adoptée en 2002, les suppléants ont peu siégé ; dans la très grande généralité des cas, la commission, qui a pu déterminer son calendrier pour l'essentiel dès la réunion du 22 février, a pris soin de veiller à une présence effective des titulaires à ses réunions et elle est largement parvenue à l'assurer.

La mission de la commission demeure identique : veiller, de manière générale, à ce que les candidats bénéficient des mêmes facilités de la part de l'Etat pour la campagne électorale (art. 13 du décret). Plus particulièrement : assurer le respect des dispositions en vigueur en matière d'affichage et d'envoi de déclarations (« professions de foi ») (art. 17 et 18 du texte) ; plus généralement, être attentive aux conditions dans lesquelles se déroulent les réunions publiques, la campagne par voie de presse et la campagne audio-visuelle (art. 14 et 15).

A cette fin, la commission dispose de prérogatives à la fois importantes et imprécises. Elle peut, selon l'article 13, intervenir, « le cas échéant, auprès des autorités compétentes pour que soient prises toutes mesures susceptibles d'assurer l'égalité des candidats et l'observation des règles » applicables. Ces autorités compétentes ne sont pas précisées : leur spectre est donc large. L'effet de ces interventions n'est pas davantage défini : mais les garanties qui doivent s'attacher au scrutin emportent l'idée que des observations de la commission doivent être suivies nécessairement d'effet.

La commission dispose en outre du relais des commissions locales de contrôle instituées dans chaque département ou collectivité d'outre-mer, composées de magistrats et fonctionnant selon le régime des articles R. 32 à R. 35 du code électoral. En effet, en vertu de l'article 19 du décret du 8 mars 2001, les présidents des commissions locales peuvent être chargés de toute mission d'investigation par la commission nationale dans le domaine de sa compétence. Cela signifie que cette dernière peut demander à être éclairée, par une source impartiale, de tout événement ou incident survenant durant la campagne électorale.

Les innovations du décret de 2001 vont clairement dans le sens d'un renforcement des prérogatives de la commission.

Le décret n'a pas bouleversé, et de loin, l'ordonnancement juridique du contrôle de l'élection. Il a tiré les conséquences de diverses évolutions intervenues depuis la précédente élection (changement de statut des anciens territoires d'outre-mer, érection en établissement public de l'administration postale, introduction de l'euro, par exemple). Il a introduit des modifications de procédure quant à la présentation des reçus de dons par les candidats, du résultat de la collecte de dons et de la vente de produits commerciaux. Il a assoupli des contraintes matérielles relatives à l'envoi de documents au Conseil constitutionnel.

S'agissant plus particulièrement de la campagne électorale, à la suite des observations formulées sur l'élection présidentielle de 1995 tant par le Conseil constitutionnel que par le Conseil supérieur de l'audiovisuel et la Commission nationale de contrôle elle-même, trois dispositions nouvelles significatives ont été introduites.

En premier lieu, la durée des émissions officielles dans les programmes des sociétés nationales de radio et de télévision n'est plus fixée par le décret, à charge pour le Conseil supérieur de l'audiovisuel de la réduire si le nombre de candidats y contraint ; elle est désormais fixée par décision du Conseil, après consultation des candidats.

En deuxième lieu, conformément au voeu exprimé en 1995, la Commission nationale de contrôle est installée plus précocement : une semaine plus tôt. Non plus dans la semaine suivant la date fixée pour l'envoi aux élus des formulaires de présentation des candidats, mais le lendemain de la publication du décret fixant cette date. C'est pourquoi, en vertu de cette disposition nouvelle, le décret no 2002-224 du 18 février 2002 fixant la date d'envoi des formulaires de présentation des candidats aux élus ayant été publié au Journal officiel du 21 février (page 3364), la commission a été installée par le garde des sceaux le lendemain, vendredi 22 février 2002, soit plus de huit semaines avant le premier tour de l'élection (sept semaines en 1995).

En troisième lieu, et c'est sans doute le plus important, il a été ajouté aux missions de la commission, à l'article 13 du décret, l'obligation de transmettre au Conseil constitutionnel les irrégularités de la campagne « susceptibles d'affecter les comptes de campagne des candidats ». Ce qui revient à exiger de la commission, d'une part, qu'elle ait la vision la plus exhaustive possible des conditions de la campagne électorale, y compris dans ce que chaque candidat peut y introduire ; d'autre part, que cette observation la conduise à estimer le poids (et surtout le prix...) d'événements particuliers liés à la campagne ; enfin, qu'elle informe le juge de l'élection de ce qu'elle estimerait être un facteur déterminant pour l'accroissement des recettes ou des dépenses d'un compte.

C'est là la traduction, pour l'élection présidentielle, de l'exigence accrue de « transparence » de la vie politique telle qu'elle a été apportée en particulier par les lois des 11 mars 1988, 15 janvier 1990 et 19 janvier 1995, elles-mêmes inspirées en particulier de ce qui avait été apprécié comme excessif dans les campagnes pour l'élection présidentielle de 1981 et 1988. Il est logique, au fond, que cette exigence se traduise par le renforcement des instruments qui ont pour tâche d'y veiller, dans le cadre de leur mission générale de contrôle.


2. L'organisation des moyens humains de la commission


Elle a fait l'objet d'un arrêté du président de la commission (publié au Journal officiel du 13 mars 2002, page 4589).


Le rapporteur général


Comme lors de précédents scrutins, la commission nationale s'est dotée (dès le jour de son installation) d'un rapporteur général, conseiller d'Etat. Au contraire toutefois de ce qui avait été fait en 1995, elle n'a pas jugé utile de désigner trois rapporteurs généraux (un par juridiction représentée dans la commission). L'unicité dans la fonction doit être recommandée. Elle assure que l'ensemble des faits qui doivent être soumis à la commission, comme l'ensemble des relations qu'elle doit assurer quotidiennement avec les représentants des candidats et les administrations sont concentrés dans une seule personne, qui assure en outre des fonctions uniques de responsabilité à l'égard de l'équipe de fonctionnaires mise à la disposition de la commission, sans que cette unicité nuise à la qualité de travail requise.


Les rapporteurs


En se fondant sur ce qui avait été adopté pour les précédents travaux de la commission, il a été procédé par arrêté du 12 mars 2002 du président de la commission (Journal officiel du 13 mars 2002, page 4589), à la désignation de rapporteurs. Sept d'entre eux, nommés « pour surveiller localement la campagne de l'élection présidentielle » ont été envoyés en mission dans les départements et collectivités territoriales d'outre-mer. On reviendra plus avant sur leur rôle, qui n'a eu que des avantages.

On voudrait ici insister sur les tâches confiées aux dix-huit autres rapporteurs, respectivement six du Conseil d'Etat, six de la Cour de cassation et six de la Cour des comptes. Non pour épiloguer sur la manière dont elles ont été exécutées. La commission n'a eu qu'à se louer de la disponibilité, de l'impartialité et du savoir-faire de chacun d'entre eux. Mais pour s'interroger sur la nature et l'ampleur de leur mission. Celle-ci a consisté exclusivement à vérifier - on y reviendra plus loin - que les affiches et déclarations des candidats étaient bien conformes à la réglementation applicable. Ce travail demande de la rigueur et de la précision. Mais, bien que le nombre de candidats du premier tour ait été élevé, le nombre de rapporteurs désignés s'est révélé excessif par rapport au volume de travail requis.

Il n'y aurait en revanche que des avantages à ce que, comme cela se fait pour l'outre-mer, des rapporteurs aillent, sur demande des responsables administratifs, des présidents des commissions locales, des candidats ou surtout de la commission elle-même, dans les départements ou dans les centres de vote à l'étranger, pour enquêter et enregistrer les difficultés qui peuvent survenir, qu'on décrira par la suite. C'est là la meilleure manière, semble-t-il, de donner corps à l'ajout du décret du 8 mars 2001 relatif à cette obligation qu'a désormais la commission d'informer le Conseil constitutionnel sur les irrégularités susceptibles d'affecter les comptes de campagne. En d'autres termes, le rôle de surveillance et de prévention de la commission doit être accru. A cette fin, le volume des rapporteurs pour les tâches classiques de la commission peut être aisément réduit, au profit d'une augmentation des déplacements sur les lieux mêmes de la campagne. Ainsi posée, la question est évidemment de nature budgétaire : ses dimensions sont, au regard des dépenses de l'Etat engagées pour le scrutin, extrêmement modestes pour une efficacité de la commission sensiblement accrue.


3. L'organisation matérielle de la commission


Quatre remarques peuvent être faites sur ce plan.

La première est l'intérêt qu'a représenté, pour la première fois, la mise à disposition de locaux séparés de ceux du Conseil d'Etat pour la commission. Elle le doit à la diligence du secrétariat général du Conseil et à la bienveillance du président et du directeur de la Commission de régulation de l'électricité : ces derniers ont accueilli le matériel et l'équipe de la Commission nationale de contrôle dans leurs locaux situés à proximité du Conseil d'Etat, tandis que les réunions de la commission continuaient de se tenir au Palais-Royal. Cette dissociation matérielle est heureuse : elle permet de mieux reconnaître, au sein d'un courrier juridictionnel abondant (celui du Conseil d'Etat), les plis adressés par porteur ou par correspondance à la commission ; l'activité de la commission n'entrave en rien le travail du Conseil d'Etat ; les discordances d'horaires, en particulier, ne soulèvent par conséquent aucune difficulté particulière. A contrario, l'aiguillage erroné du représentant d'un candidat porteur des affiches et déclarations dans les bureaux du Palais-Royal a suscité de la part de ce candidat une irritation légitime. Le fonctionnement matériel s'en est donc trouvé grandement facilité, au prix de quelques allées et venues du personnel de la commission. Cette « première » s'est donc réalisée, pour la commission, dans les meilleurs conditions possibles.

Il faut bien constater en même temps - cette deuxième remarque n'est pas contradictoire avec celle qui précède - que la commission, qui ne dispose d'aucun moyen matériel propre, ne peut fonctionner qu'avec les moyens qui lui sont fournis par le Conseil d'Etat, le ministère de l'intérieur et, en 2002, la Commission de régulation de l'électricité.

Le ministère de l'intérieur joue évidemment le rôle essentiel : il a fourni initialement la commission en moyens humains, en mettant à sa disposition quatre fonctionnaires irréprochables de dévouement et de conscience professionnelle, dont la charge de travail durant trois mois a été particulièrement lourde, de même qu'une part du matériel nécessaire au secrétariat et à la communication (le reste provenant du Conseil d'Etat). Il a également assuré fréquemment, et sur demande, les contacts que la commission jugeait nécessaire d'avoir avec les préfets (utilisation des réseaux appropriés). Enfin, la commission et le bureau des élections du ministère ont été en relations étroites dès avant la campagne et tout au long de celle-ci, pour régler au mieux les difficultés qui ont pu survenir, lorsqu'elles nécessitaient l'intervention de l'administration. Il va de soi que la qualité de telles relations est primordiale pour le succès des tâches dévolues à la commission.

Le Conseil d'Etat a mobilisé de son côté un fonctionnaire de catégorie A à temps plein pour l'opération, ce qui n'a pas été sans lui poser des problèmes de gestion. Il a mobilisé également son service du courrier et aussi, de manière exceptionnelle, les agents de permanence en fin de semaine lorsque la nécessité en est apparue.

Enfin, de manière exceptionnelle en 2002, la Commission de régulation de l'électricité a tout fait pour faciliter l'installation et le travail de l'équipe de la commission dans ses locaux et l'accès aux services correspondants. Mais il faut évidemment assurer, à l'avenir, la location suffisamment précoce avant la campagne de locaux, de telle sorte que la commission puisse en disposer, avec les équipements nécessaires, dès son installation.

Comme cela avait été fait précédemment - c'est là la troisième remarque -, la commission a fait installer auprès d'elle, grâce à la diligence de La Poste, un bureau postal destiné à envoyer les plis en provenance de la commission. A l'usage, cet outil se révèle inutile. La commission ne peut se passer des services de La Poste, mais de la manière exceptionnelle qu'on verra. Pour le surplus, l'acheminement du courrier ordinaire peut se faire par l'entremise du courrier du Conseil d'Etat. A dire vrai, la rapidité avec laquelle il appartient à la commission de réagir est souvent incompatible avec les délais d'acheminement du courrier ordinaire. Le réseau de téléphone, spécialisé ou non, le réseau du ministère de l'intérieur, la télécopie ou la messagerie électronique, les motocyclistes de la préfecture de police sont des outils bien plus satisfaisants à l'égard des besoins. C'est pourquoi il est suggéré à l'avenir de ne plus avoir recours à ce bureau postal créé pour les besoins de la cause.

La quatrième remarque est le pendant de la précédente. Elle vise à souligner l'apport que peut représenter pour la commission l'accès au réseau Internet. Elle avait demandé au ministère de l'intérieur d'y avoir accès et l'a obtenu de lui. Elle n'a eu qu'à se féliciter de cette facilité supplémentaire.

Internet crée de nouveaux devoirs à la commission. En effet, le réseau est désormais utilisé par tous les candidats sans exception, qui y ont leur propres sites, comme on le verra. Il est aussi le siège de sites divers, plus ou moins proches des candidats, ou au contraire destinés à leur faire pièce. Le rôle général qui est le sien impose à la commission de demeurer vigilante à l'égard de ce moyen utilisé désormais systématiquement pour des élections nationales.

Mais c'est aussi un outil. La commission, qui n'est pas pérenne, n'a pas été aussi loin en ce sens que le ministère de l'intérieur ou le Conseil constitutionnel, qui ont publié très heureusement sur leurs « sites » respectifs les informations qui pouvaient être utiles aux candidats. La logique voudrait toutefois qu'elle puisse ouvrir, elle aussi, le temps de la campagne, pour mettre ses consignes à la disposition permanente des candidats, un « site » public dont la référence pourrait être donnée dès le début aux personnes intéressées. Au surplus, la commission doit pouvoir utiliser largement les ressources de la messagerie électronique, selon des cheminements qui lui soient propres : celle qui a été mise à sa disposition par le Conseil d'Etat lui a été grandement utile, en particulier pour communiquer avec les services de l'Etat les plus éloignés, comme ceux des collectivités d'outre-mer. Il faudra donc veiller à l'avenir à ce que ces moyens nouveaux soient préparés à l'avance et mis en oeuvre dès la réunion de la commission.


B. - Les partenaires de la commission


L'efficacité du travail de la commission, comme l'écrit d'ailleurs le texte qui l'institue, est étroitement liée, on l'a compris, aux liens qu'elle a avec un certain nombre de partenaires dont les uns lui sont organiquement associés et les autres sont des personnes extérieures indispensables.


1. Les partenaires associés à la commission

a) Les commissions locales de contrôle


La commission a estimé que les commissions locales de contrôle constituaient l'un de ses instruments privilégiés d'observation et donc d'action. Son tout premier soin a donc été de veiller à leur mise en place, d'éclairer leurs travaux et de demeurer aussi étroitement que possible en relation avec elles.

Veiller à leur mise en place. Il a semblé que l'avance prise sur le calendrier pour la reconstitution de la commission nationale devait être aussi le fait des commissions locales. C'est pourquoi le président de la commission a rapidement fait parvenir consigne aux préfets de réunir les commissions locales dès avant le 15 mars 2002, de telle sorte que les commissions de contrôle, au-delà de la mission technique qui leur est conférée en matière d'affichage, par exemple, puisse exercer leur mission générale d'observation de la campagne électorale dans les départements le plus précocement possible.

Eclairer leurs travaux. Les préfets avaient été depuis longtemps instruits du déroulement des opérations et de leurs missions par les circulaires du ministre de l'intérieur. Les candidats avaient pu bénéficier aussi de l'information de ce même ministère (cf. le « Mémento à l'usage des candidats ») et du Conseil constitutionnel (dont le site internet a, comme indiqué, été abondamment pourvu en informations pratiques). Paradoxalement, les commissions locales n'avaient à leur disposition que les textes applicables (décret et partie Réglementaire du code électoral), même si beaucoup de préfets ont bien entendu mis à leur disposition les textes ministériels. C'est pourquoi, pour la première fois, la commission a approuvé une circulaire que son président a envoyée aux présidents des commissions locales, détaillant leur mission et rappelant les exigences textuelles et jurisprudentielles sur ce point.

Maintenir les relations nécessaires : comme la circulaire y invitait, certains présidents de commissions locales sont entrés en relation avec le secrétariat de la commission lorsque nécessité s'en est fait sentir. Ces contacts ont été relativement peu nombreux : mais les instruments existaient pour que toute difficulté significative soit signalée.

On ne doit pas dissimuler toutefois que la constitution et le travail des commissions locales de contrôle ne vont pas de soi.

Leur constitution d'abord : elle impose aux tribunaux judiciaires (surtout) et aux juridictions administratives de distraire de leurs tâches habituelles, dont chacun mesure aujourd'hui le caractère très lourd, un certain nombre de magistrats pour une mission comportant de multiples aspects techniques. La formation des commissions a donné lieu à deux sortes de réactions : l'une consistant à mettre en cause, dans des formes plus ou moins explicites, les horaires de travail imposés alors que le contexte était plutôt à la réduction du temps de travail ; l'autre traduisant quelque agacement, dans la plus ou moins grande vélocité à répondre à la demande. Il est souhaitable que, dans les conditions actuelles, la chancellerie avise à l'avance les chefs de cour, les années d'élection, des échéances et de ce qui est attendu des juridictions et de leurs membres.

Leur travail ensuite : les commissions locales de contrôle sont constituées lorsque la quasi-totalité des instructions ministérielles ont été envoyées aux préfets et que les différentes phases de mise en oeuvre matérielle de la campagne et du scrutin ont déjà été arrêtées et entamées. Un double sentiment peut en résulter, dont la commission a eu l'écho dans plusieurs départements : une démobilisation de la commission, avec le sentiment que tout est fait et que son rôle est inexistant ; des tensions entre le président et le préfet lorsque le premier, qui ne se sent pas lié par les instructions du ministre de l'intérieur, peut remettre en cause certains choix matériels arrêtés avant la réunion de la commission. Ces sentiments ont été naturellement résorbés. Mais les éviter nécessite une claire explication préalable, nationale et locale, et aussi la constitution aussi précoce que possible des commissions locales, pour pouvoir être associées tôt à la procédure. Faute de quoi, les commissions locales sont conduites à un certain effacement.

On peut s'interroger aussi, bien que ce point excède les strictes compétences de la commission, sur la scission en deux commissions, d'une part, du contrôle de la campagne électorale, d'autre part, du recensement des votes. Certes, il convient de séparer, comme on l'a indiqué à propos des instances nationales, les organes de surveillance de la campagne de ceux qui ont un rapport avec l'appréciation de la régularité de l'élection. Mais précisément, dans le cas de l'élection présidentielle, le juge de l'élection est, à titre exclusif, le Conseil constitutionnel. Il n'y aurait que des avantages à ce que, localement, la continuité soit observée dans le déroulement de l'ensemble des opérations ayant trait à l'élection : il en résulterait quelque allégement pour les juridictions et une meilleure information sur le scrutin.

Ces observations ne doivent évidemment pas dissimuler la réelle qualité du travail accompli par la très grande majorité des commissions locales et de leurs présidents, dans le cas le plus fréquent un juge du tribunal de grande instance, souvent un vice-président, parfois, le président lui-même. Mais elles appellent à un renforcement multiforme des liens de la commission nationale avec les commissions locales. Les déplacements sur place des rapporteurs trouvent là un nouveau motif.


b) Les représentants de la commission outre-mer


Comme on l'a dit, un certain nombre de rapporteurs ont été désignés, parmi les membres en activité ou honoraires des trois juridictions, dotés d'une solide expérience administrative et contentieuse, pour se rendre dans les départements et collectivités territoriales d'outre-mer afin d'y assurer, en quelque sorte, en liaison avec les commissions locales, un contrôle renforcé du déroulement de la campagne. Ces rapporteurs ont été, en outre et d'un commun accord, désignés par le Conseil constitutionnel pour surveiller le déroulement du scrutin (et en rapporter les procès-verbaux dans les locaux du Conseil après chaque tour).

Cette désignation a été effectuée conformément aux précédents. En dépit des efforts réalisés, pour cette élection comme pour d'autres, par le ministère de l'outre-mer, l'éloignement de la métropole et la situation géographique particulière de certaines collectivités (la forêt guyanaise ou les archipels de Polynésie) imposent sans nul doute que les organes de contrôle soient renforcés. Les rapporteurs ont tiré de leur double « appartenance » (Conseil constitutionnel et commission) une autorité supplémentaire. Les rapports avec les représentants de l'Etat et les commissions locales n'ont pas posé de difficultés particulières. Les techniques de communication auxquelles il a déjà été fait allusion ont rendu relativement aisées les relations entre la commission et ses envoyés. Tout au plus s'est-il posé, semble-t-il, une question relative au rôle respectif de ces chargés de mission exceptionnels avec les délégués de droit commun du Conseil constitutionnel, désignés en application de l'article 48 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, rendu applicable à l'élection présidentielle par l'article 6.III de la loi du 6 novembre 1962. Mais il n'appartient pas à la commission de connaître de cette question, posée à l'issue du scrutin.

Il reste incontestable que les rapporteurs de l'outre-mer ont joué un rôle extrêmement utile, dont les aspects concrets seront évoqués à la fin de la deuxième partie de ce rapport. Leur expérience, très satisfaisante, doit encourager la commission à développer de telles missions là où elles sont nécessaires : c'est ce qui a déjà été précisé à propos des autres rapporteurs.


2. Les partenaires extérieurs à la commission

a) Le Conseil constitutionnel


Le Conseil constitutionnel tient de l'article 58 de la Constitution, comme il a été indiqué, la mission de veiller à la régularité de l'élection. Il lui incombe ainsi de s'assurer, d'une part, que toute la matérialité des opérations nécessaires se réalise dans les délais voulus ; d'autre part, que ces opérations sont bien conformes au droit en vigueur. Il a en outre fait connaître les enseignements qui lui paraissaient devoir être tirés du scrutin de 1995 (Journal officiel précité) et il a favorisé la modification des textes qui s'imposaient (notamment celle du décret du 14 mars 1964, remplacé par le décret du 8 mars 2001).

C'est dire que rien de ce qui concerne l'élection ne peut être étranger au Conseil, dont les travaux pour le scrutin de 2002 ont commencé dès juin 2000. Mais, simultanément, la commission doit, s'agissant de la campagne électorale, pouvoir décider en toute indépendance.

Cet équilibre apparemment difficile dans la répartition des compétences s'est résolu aisément.

D'une part, la Conseil constitutionnel a clairement fait savoir aux personnes intéressées que les affaires relatives à la campagne électorale, dont il a pu être saisi, relevaient à titre exclusif de la commission.

Corollairement, la commission a renvoyé systématiquement au Conseil les affaires relatives au déroulement des opérations de vote.

S'agissant, d'autre part, des opérations préparatoires aux opérations électorales, notamment de l'examen des circulaires ministérielles devant être prises pour l'élection, la commission, qui a procédé à l'examen de ces textes, a bien entendu fait sienne l'idée que le Conseil constitutionnel, qui procédait également à cet examen, avait en ce domaine la prééminence et, par conséquent, le dernier mot. Il en a été de même des réglementations du Conseil supérieur de l'audiovisuel pour chacun des deux tours.

Enfin, le décret du 8 mars 2001, comme on l'a vu, a confié à la commission un rôle d'information du Conseil en matière d'irrégularités susceptibles d'affecter les comptes de campagne. Cette disposition a été utilisée au cours de la campagne. De manière symétrique, le Conseil a pu signaler à la commission l'existence d'éventuelles irrégularités au regard des textes relatifs à la propagande électorale parvenues à sa connaissance.

De manière plus opérationnelle, les deux instances se sont tenu mutuellement informées de leur action, depuis la date de la réunion de la commission jusqu'après le second tour du scrutin. Le président du Conseil constitutionnel a reçu, avec les deux membres du Conseil plus particulièrement chargés des opérations, la commission dès le début de ses travaux, le 27 février 2002 ; le secrétaire général du Conseil a été fréquemment en relation soit avec le président, soit avec le rapporteur général de la commission ; les équipes de l'un et de l'autre organisme ont fait de même.

La confiance que peut avoir le Conseil constitutionnel dans l'indépendance, donc dans la qualité des travaux de la commission, est un élément décisif de la réussite de celle-ci. C'est pourquoi la clarté des rôles et la recherche d'une bonne complémentarité sont un impératif pour l'un et l'autre. La commission, pour sa part, ne peut que se louer de ce qui a été fait sur ce plan en 2002. Les éventuels chevauchements de compétence ont pu être ainsi, comme on le verra à propos des bulletins de vote, réglés rapidement et sans difficulté.


b) Les partenaires siégeant à la commission

en qualité d'assistants


L'article 13 du décret du 8 mars 2001 prévoit que la commission « est assistée de quatre fonctionnaires », représentant respectivement le ministre de l'intérieur, le ministre chargé de l'outre-mer, le ministre chargé de La Poste et enfin celui chargé de la communication, chacun de ces fonctionnaires (le décret innove sur ce point) pouvant être remplacé par un suppléant nommé dans les mêmes conditions par le ministre compétent.

Le décret du 15 février 2002 qui a publié les noms des membres désignés de la commission a également donné la liste nominative de ces huit fonctionnaires (les quatre « assistants » et leurs suppléants). Tout naturellement, il s'agissait des fonctionnaires responsables des directions ou des sous-directions chargées des questions relatives au scrutin : pour l'intérieur, le directeur général de l'administration, suppléé par le sous-directeur des affaires politiques et de la vie associative ; pour l'outre-mer, le directeur des affaires politiques, administratives et financières, suppléé par son sous-directeur des affaires politiques ; pour l'industrie, le directeur général adjoint de l'industrie, des technologies de l'information et des postes, suppléé par le chargé de la sous-direction des activités postales ; pour la culture, la sous-directrice à la direction du développement des médias, suppléée par l'adjoint au chef du bureau du secteur audiovisuel public.

La commission a souhaité que ces fonctionnaires participent à toutes ses séances sans exclusive. Elle a aussi admis, à titre plus exceptionnel, la participation d'autres fonctionnaires dont la présence lui semblait utile : ainsi, pour le ministère de l'intérieur, le chef du bureau des élections. Elle les a toujours encouragés à faire part de leurs points de vue lorsque ceux-ci pouvaient éclairer les décisions qu'elle avait à prendre. La pratique des communes en matière de panneaux électoraux, par exemple, ou les possibilités d'acheminement dans les différents archipels d'outre-mer, de même que les habitudes prises pour d'autres scrutins, ont toujours constitué des informations précieuses.

De manière inverse, la présence des fonctionnaires de responsabilité a évidemment facilité grandement la réalisation des consignes que la commission a pu souhaiter faire connaître aux administrations et qui s'adressaient, pour l'essentiel, aux ministères représentés, en permettant aux membres d'en expliquer la genèse et les motifs et aux fonctionnaires de rendre compte de leur exécution. Le plus souvent, en cas de difficultés, les décisions ont été prises après que l'avis des administrations a été sollicité.

A cet égard, on ne peut que se féliciter de ce que, en dépit de leurs charges, le directeur général de l'administration et le directeur des affaires politiques, administratives et financières de l'outre-mer aient personnellement assisté à la plupart des réunions de la commission. Le travail de la commission et, peut-on espérer, celui de l'administration, en ont été grandement facilité. On doit insister sur cette condition nécessaire à la bonne exécution de sa mission.


c) Les partenaires invités par la commission

à suivre ses travaux


La loi a confié à d'autres institutions, autorités administratives indépendantes, le soin de gérer dans leur domaine les incidences de la campagne électorale présidentielle. Tel est le cas, d'une part, du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), d'autre part, de la commission des sondages.

En vertu de l'article 16 de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 de la liberté de communication, il appartient au CSA de fixer les règles relatives aux conditions de réalisation et de diffusion des émissions de la campagne programmées par les sociétés nationales de programme (ce qu'on appelle bien malencontreusement la campagne « officielle »). Il lui appartient aussi d'adresser des recommandations à tous les exploitants, sans exception, des services de communication audiovisuelle, et ces recommandations s'imposent à leurs destinataires (Conseil d'Etat, section, 7 mai 1993, Elections régionales de La Réunion). Le décret du 8 mars 2001 précise, dans son article 15, pour l'élection présidentielle, les modalités d'exercice de cette mission.

La loi no 77-808 du 19 juillet 1977 détermine quant à elle le rôle de la commission des sondages en matière de contrôle des enquêtes « ayant un rapport direct ou indirect avec... une élection présidentielle » art. 1er). L'article 11 précise les dispositions spéciales en matière électorale, y compris naturellement pendant la campagne du scrutin présidentiel, et l'article 12 mentionne les sanctions pénales applicables.

Mais il n'y avait a priori aucune raison pour la commission d'ignorer, à l'égard de ces deux autorités, comme des autres, les pouvoirs d'intervention qu'elle détient, « le cas échéant, auprès des autorités compétentes ».

La question se posait donc, en 2002, comme lors des scrutins présidentiels antérieurs, de savoir ce que pouvaient être les rapports de la commission avec ces autorités. Elle avait en fait déjà été largement résolue, notamment en 1995, par une concertation étroite, au-delà de ce qu'exigent les textes, dont le silence en la matière conduisait au besoin d'une « coutume » qui s'est renouvelée.

La commission, qui devait être informée régulièrement des activités du Conseil supérieur de l'audiovisuel en matière de campagne électorale, a donc pris le parti d'inviter son président à toutes ses réunions sans exception, pour la part relative aux débats concernant le domaine de compétence du CSA. Comme en 1995, le CSA a répondu volontiers à cette invitation et son président, ou les deux membres du CSA chargés du dossier de l'élection présidentielle, accompagné(s) du directeur général des services du Conseil, ont pu débattre avec les membres de la commission, d'une part, des recommandations prises par le CSA (celles du moins qui n'avaient pas précédé la reconstitution de la commission : une instruction importante avait été ainsi prise par le CSA dès le 23 octobre 2001 - recommandation no 2001-4 du 23 octobre 2001, Journal officiel du 10 novembre 2001, page 17928), d'autre part, des réactions des parties prenantes (candidats et sociétés de programme) à ces recommandations, enfin des difficultés qui ont pu survenir. Ces débats ont permis de mettre en oeuvre les concours réciproques que le CSA et la commission ont pu s'apporter. Au surplus, comme il a été noté avec le Conseil constitutionnel, les relations entre les services du CSA et commission ont été régulières et efficaces.

Il en a été de même avec la commission des sondages, à un moindre degré, puisque celle-ci avait une intervention plus indirecte dans le déroulement de la campagne électorale. Son président est venu, lors d'une réunion de la commission, s'entretenir avec ses membres des questions posées par la campagne, en particulier celles qui pouvaient résulter de la modification de la loi du 19 juillet 1977 par la loi no 2002-214 du 19 février 2002, réduisant l'interdiction de diffusion des résultats et le commentaire de sondages à la veille et au jour du scrutin. A la suite de cette discussion, la commission a d'ailleurs publié un communiqué sur ce point principalement destiné aux personnes diffusant les résultats de sondages électoraux.

Cette concertation étroite a permis à chacun d'agir pleinement selon les compétences qui lui avaient été confiées par le législateur. La commission a ainsi appuyé, quand elle en a ressenti le besoin, l'action du Conseil supérieur de l'audiovisuel et de la commission des sondages. Elle leur a aussi fait connaître à diverses reprises, oralement ou par écrit, les réactions que lui inspiraient tel ou tel événement de campagne. Enfin, elle a accepté de connaître, fonctionnant ainsi comme une sorte d'instance d'appel, des réclamations de candidats ou d'électeurs qui avaient fait part auparavant de leur mécontentement à l'un ou à l'autre des organismes et n'avaient pas obtenu d'eux des réponses estimées satisfaisantes.


Les préfectures


Le rôle des préfectures dans l'organisation matérielle du scrutin présidentiel, comme d'ailleurs de beaucoup d'autres votes, politiques ou professionnels, est majeur.

Il l'est en vertu des textes du code électoral et des textes particuliers à l'élection présidentielle.

Il l'est aussi parce que, comme le Conseil constitutionnel, le ministère de l'intérieur se prépare de longue date à ces charges matérielles importantes et prépare longtemps avant la réunion de la commission les textes nécessaires et leur envoi aux préfets. A l'orée de la campagne électorale, lorsque se réunit la commission, ceux-ci sont déjà largement pourvus en instructions et ont arrêté pour beaucoup d'entre eux, forts de l'expérience de leurs services, les dispositifs nécessaires. On l'a déjà souligné à propos des interventions éventuelles des commissions locales de contrôle.

Ce rôle prépondérant des préfets (ou de leurs équivalents) dans la campagne dans les départements et collectivités territoriales de métropole et d'outre-mer a conduit les services de la commission à être en étroites relations avec beaucoup d'entre eux (ou de nombreux bureaux des élections préfectoraux) pour s'assurer du bon déroulement de la campagne ou pour les aider à résoudre les questions posées. On reviendra sur ces dernières. Il est de fait que la coordination de l'information départementale passait plus aisément par les préfectures que par les présidents des commissions locales de contrôle. Pour des raisons de commodité pratique, la commission n'a pas cru devoir se limiter aux seuls contacts avec les présidents des commissions locales. La qualité de ses renseignements en aurait autrement souffert.

La commission a aussi, pour quelques moments essentiels de l'organisation de la campagne (en particulier pour les affiches et déclarations), préparé des instructions qu'elle a directement envoyées à tous les préfets (par exemple, la circulaire du 7 avril 2002 accompagnant l'envoi en préfecture des documents électoraux agréés par la commission) ou à certains d'entre eux (par exemple, le 9 avril 2002, à ceux d'Alsace-Moselle sur les déclarations en langue allemande des candidats). La question des relations entre ces instructions et celles du ministère de l'intérieur a pu naturellement se poser. La commission a veillé, d'une part, à ce que les unes et les autres soient coordonnées et, d'autre part, à ce que, sauf urgence, l'accord préalable des responsables compétents du ministère soit toujours acquis.


Le ministère des affaires étrangères


La loi organique no 76-97 du 31 janvier 1976 a défini les conditions dans lesquelles les Français établis hors de France peuvent exercer leur droit de vote pour l'élection du Président de la République ou dans le cas d'un référendum. Elle crée à cet effet des centres de vote pour eux à l'étranger. L'établissement des listes électorales, la campagne (limitée dans son expression) et l'organisation du vote sont confiés aux chefs de mission diplomatique qui reçoivent à cet effet des instructions du ministère des affaires étrangères (direction des Français à l'étranger et des étrangers en France). Une commission électorale siégeant au ministère, créée par l'article 5 de la loi organique, joue, en vertu des dispositions du texte d'application de la loi, le rôle d'une commission locale de contrôle au sens de la réglementation de droit commun.

Il résulte de ces dispositions que, comme le ministère de l'intérieur et celui de l'outre-mer, le ministère des affaires étrangères a un rôle à jouer qui n'est pas négligeable - et matériellement difficile - dans l'organisation du scrutin présidentiel. Il a donc, comme eux, à élaborer les circulaires nécessaires, à régler les questions matérielles liées à la campagne (la commission électorale centrale est responsable de l'envoi des affiches et déclarations dans les postes diplomatiques), à recenser les votes.

On peut juger regrettable que le décret du 8 mars 2001 n'ait pas cru nécessaire d'ajouter au nombre des fonctionnaires devant « assister » la commission un représentant du ministre des affaires étrangères. En effet, la commission estime, après expérience, qu'une telle présence aurait été utile : en raison, en premier lieu, du nombre relativement élevé d'électeurs concernés et des difficultés particulières de l'organisation du scrutin à l'étranger ; en deuxième lieu de l'intérêt parfois insuffisant porté par les responsables du ministère (malgré les efforts de la direction compétente) à ces aspects, il est vrai éloignés de l'action diplomatique ; en troisième lieu en raison d'une insuffisante coordination interministérielle, qui a fait que les circulaires ou instructions du ministère de l'intérieur (qui ont largement et heureusement inspiré celles de l'outre-mer par exemple) n'ont pas toujours été considérées à leur prix par les rédacteurs de celles du quai d'Orsay. On doit ajouter que la commission, en dépit de plusieurs tentatives, n'a pu avoir de relations avec la commission électorale siégeant au ministère.

La commission a remédié à cet état de fait en conviant à l'une de ses réunions, pour l'examen des instructions préliminaires à la campagne, le directeur des Français à l'étranger et des étrangers en France, qui s'est prêté avec plaisir et intérêt à l'exercice. Mais il lui apparaît, expérience faite, qu'une telle présence aurait gagné à être plus constante.


L'Organisation pour la sécurité et la coopération

en Europe (OSCE)


A la demande du ministre de l'intérieur, une délégation de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (Direction des institutions démocratiques et des droits de l'homme) a été reçue le 8 avril 2002 par la commission, comme elle l'avait été dans d'autres instances chargées de l'élection.

Il ne s'agissait pas, comme le chef de la délégation l'a clairement indiqué à la commission, de venir « contrôler » le déroulement des opérations électorales, mais d'évaluer les procédés qui permettaient d'en assurer la régularité ; éventuellement, bien que cette possibilité n'ait pas été évoquée officiellement, de s'en inspirer pour proposer ces procédés dans d'autres pays relevant de sa compétence.

Les questions posées ont eu trait à la composition, au rôle de la commission et à ses rapports avec les autres autorités compétentes. Plus particulièrement, les modalités de la campagne dans les médias audiovisuels et le contrôle de l'égalité des dépenses des candidats ont fait l'objet de débats ; sur ces deux points, après indications générales, il a été renvoyé au Conseil supérieur de l'audiovisuel, d'une part, et au Conseil constitutionnel, d'autre part.

Dans le rapport de la délégation (daté du 4 juin 2002 à Varsovie), que le ministre de l'intérieur a fait parvenir à la commission, il est noté que « l'ensemble du processus électoral a été transparent et sincère, et a été contrôlé efficacement et professionnellement. En particulier, les dispositions applicables et les comportements relatifs au financement de la campagne électorale et au rôle des médias dans celle-ci ont montré la complexité de la législation introduite pour garantir l'égalité des candidats pendant la campagne électorale officielle. Ces dispositions ont assuré l'équilibre dans l'arène des candidats comme le contrôle étroit du financement de leur campagne ».


C. - Les relations de la commission avec les candidats

à l'élection présidentielle


De manière générale, on peut dire qu'il en a été de la commission comme de toute autre institution : son rôle effectif ne lui est pas venu seulement des textes en vigueur, et de l'idée que s'en faisaient ses membres et ceux qui coopéraient avec elle, mais tout autant de la représentation que se faisaient de sa mission les candidats à l'élection présidentielle.

On peut affirmer sans aucun doute que la mission de contrôle de la commission, prévue par les textes, se trouve ainsi élargie de facto à une mission de conseil des candidats et de leurs équipes en matière de déroulement de la campagne. Ce faisant, la commission joue un rôle important à l'égard des « petits » candidats, singulièrement ceux dépourvus d'expérience. Elle contribue ainsi, peut-être d'une manière imprévue, à assurer l'égalité entre les candidats.

On doit toutefois nettement différencier les relations qui s'établissent entre les candidats et la commission avant l'établissement de la liste des candidats du premier tour par le Conseil constitutionnel (le 4 avril 2002, avec publication au Journal officiel du lendemain) et les relations qui s'instaurent après cette date.


1. Les relations avec les candidats avant le 4 avril 2002


La formulation de ce point est en soi contraire à la logique des textes en vigueur. Ici, doit apparaître une des difficultés majeures de l'organisation de l'élection.

Selon les dispositions en vigueur, en effet, il ne saurait y avoir de candidats à l'élection avant l'établissement de leur liste par le Conseil constitutionnel. Il s'en déduit que lorsque le texte du IV de l'article 3 de la loi organique du 6 novembre 1962 pose comme principe l'égalité entre les candidats, il évoque bien évidemment les personnes figurant sur la liste, mentionnée au I précédent, établie par le Conseil constitutionnel et celles-là seulement.

Mais cette vision très claire du dispositif en vigueur ne correspond pas à la réalité politique des choses. Pour des motifs multiples, sur lesquels il n'y a pas lieu de s'étendre ici, il existe des personnalités qui ont fait connaître, bien avant la date du 4 avril, moins leur intention de vouloir figurer sur la liste du Conseil constitutionnel, que leur volonté d'être candidat à la présidence de la République. Et si aucune de ces personnalités ne peut avoir en principe la certitude de figurer sur la liste des candidats officiellement arrêtée, aucune - comme le montrent assez les précédents - ne saurait accepter l'idée qu'elle n'a aucune chance d'y être, et donc qu'elle n'y figurera pas.

Il s'en déduit même ceci. L'on peut imaginer volontiers que, dans l'esprit des candidats « d'avant la liste », leurs chances de figurer sur cette liste sont d'autant plus grandes qu'ils auront été présentés par un grand nombre d'élus ; et qu'à cette fin, il existe un lien entre leur notoriété et leur présence dans les noms retenus le 4 avril. Par conséquent, notamment du côté des personnalités qui ne sont guère soutenues par l'organisation d'un parti, hypothèse que n'excluent nullement les textes de l'élection, l'enjeu dans l'année qui précède l'élection est en premier lieu de se faire connaître, et pour cela, non seulement « de faire parler d'eux », mais surtout « qu'il soit parlé d'eux », autrement dit que les médias fassent écho à leur présence.

Il existe par ailleurs, en-deçà en quelque sorte de ceux qui ne seront pas retenus, mais qui disposent pour diverses raisons d'une notoriété relative, une autre catégorie - pas nécessairement étendue - de personnalités, tenaces et pugnaces, qui, sans illusions sur leurs chances de figurer sur la liste officielle des candidats, ont la volonté de faire entendre leur voix dans la période précédente. Ceux-là ont la conviction d'avoir des idées originales à défendre et ne veulent pas manquer cette occasion unique de le faire.

Il existe donc, dans la première phase des opérations électorales qui précède le 4 avril, trois niveaux de candidats de « présentation » d'idées (distingués des candidats concourant pour la fonction) : ceux qui figureront sur la liste, mais n'ont aucun espoir sérieux d'être élus, autrement dit ceux que l'on baptise quelquefois les « petits candidats » ; ceux qui bataillent pour être sur la liste, avec des chances raisonnables ou non d'y figurer, donc pour être mieux connus ; ceux enfin dont la prétention se limite à faire entendre leur voix à l'occasion de l'élection, sans espérer figurer sur la liste, mais très préoccupés en revanche de leur message. La commission, avant le 4 avril, a eu à se préoccuper essentiellement de ces catégories et, en particulier, des deux dernières.

La période précédant l'établissement de la liste est donc une sorte de campagne différente de la suivante, qui n'est guère prévue (on y reviendra) par les textes, mais qui n'en est pas moins réelle, comme l'a montré le parti habile qu'en a tiré l'un des candidats.

Dans ce contexte, la commission a eu à faire face à trois ordres de difficultés.

a) La première est de concilier les textes applicables seulement à l'élection présidentielle, qui définissent le calendrier que l'on sait, et les textes généraux applicables aux élections, dont l'élection présidentielle, en particulier ceux relatifs aux dépenses des candidats.

On en prendra un seul exemple, auquel la commission s'est trouvé confrontée dès sa réunion inaugurale. En vertu de l'article L. 51 du code électoral, complété sur ce point par la loi sur le financement de 1990, « pendant les trois mois précédant le premier jour du mois d'une élection, et jusqu'à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, tout affichage relatif à l'élection... est interdit... » (hors celui prévu sur les panneaux électoraux). Cette disposition a pour objet, en 2002, de prohiber l'affichage de tout candidat à l'élection à compter du 1er janvier 2002. Mais une personnalité dont rien ne permet de dire qu'elle sera candidate, soit parce qu'elle ne s'est pas déclarée, soit parce qu'elle ne sait pas si elle sera sur la liste des candidats retenus par le Conseil constitutionnel, est-elle soumise à cette interdiction ? La question se posait puisqu'une personnalité dont l'action est consacrée pour l'essentiel à la défense des contribuables a fait apposer, dans les premiers mois de l'année, des affiches, sur des emplacements commerciaux, vantant les mérites de sa personnalité. La commission a donc insisté auprès des commissions locales de contrôle sur cet aspect, en leur demandant de relever tout affichage de cette nature, en se réservant le soin de confronter les observations ainsi recueillies à la réalité des candidats telle que décidée le 4 avril.

Mais, d'une manière plus triviale, quels doivent être, avant l'établissement de la liste, les liens entre la commission et des candidats qui n'ont pas officiellement cette qualité ? Les textes en vigueur prévoient la désignation par les candidats de mandataires auprès du Conseil constitutionnel et, par extension, de la commission (cf. sur ce point le « Mémento à l'usage des candidats » du ministre de l'intérieur, chapitre IV, paragraphe A), à compter du 5 avril. Toutefois, il est de l'intérêt commun que de tels mandataires soient désignés le plus tôt possible, c'est-à-dire dès l'installation de la commission. Les candidats en conviennent d'ailleurs aisément. Mais qui répond à cette notion ? Ceux qui se sont déclarés tels sans avoir entrepris aucune démarche ? Ceux à qui les moyens de communication prêtent cette qualité ? Ceux qui ont écrit pour le faire savoir ? Ceux qui ne se déclarent pas mais disent hésiter ? Ceux qui annoncent une décision ultérieure ? La commission, comme d'ailleurs le Conseil constitutionnel et le CSA (cf. note 2) , ont établi des listes comportant plusieurs dizaines de noms. Elle a cherché à procéder sans aucune exclusive ni aucun parti pris. Elle a au contraire souhaité élargir le plus possible, afin d'éviter de prendre position sur les possibilités des uns et des autres de figurer sur la liste. A ce titre, elle a examiné en conformité à l'article 18 du décret du 8 mars 2001 la déclaration (« profession de foi ») d'un « candidat », parvenue à la commission, alors que, comme la suite l'a montré, le programme et les moyens mêmes mis en oeuvre par cette personne ne lui conféraient aucune probabilité sérieuse non seulement de figurer sur la liste, mais même d'être mentionnée dans un quelconque moyen de communication.

b) La deuxième difficulté a été de répondre à des personnes désireuses de faire entendre leur message programmatique dans les sociétés de programme de radio et de télévision, demandant à la commission, dès lors qu'ils étaient candidats, de leur assurer l'accès à ces sociétés. Utilisant à leur profit, en quelque sorte, la logique des textes, certains soutenaient même que, dès lors que la liste officielle n'avait pas été établie, aucune contrainte particulière ne pesait sur les sociétés de programme pour se limiter à des candidats déclarés et que, par conséquent, toute personne le revendiquant devait être libre d'accéder aux « médias ». Après des démarches demeurées infructueuses auprès de ces sociétés, et quelquefois du Conseil supérieur de l'audiovisuel, elles se sont adressées à la commission, ne doutant nullement que sa mission, d'une part, et les prérogatives dont elle était investie, d'autre part, leur ouvriraient des portes demeurées jusque-là obstinément fermées.

La commission n'a pu que répondre négativement en se fondant à la fois sur la liberté de choix incombant à ces sociétés en matière de contenu d'émissions, telle qu'elle résulte des lois en vigueur en la matière (notamment de l'article 1er de la loi du 30 septembre 1986) et des textes généraux relatifs à la liberté d'expression, et sur les dispositions propres à la période pré-électorale, telles qu'elles ressortaient notamment des recommandations du Conseil supérieur de l'audiovisuel (notamment celle du 23 octobre 2001). Il ne lui appartient pas de saisir le CSA pour exiger de lui qu'il obtienne d'une société de programme qu'une personne, comme cela a été demandé, dispose d'un temps d'antenne ou d'émissions pour y développer ses arguments.

Ce faisant, elle n'a pu que décevoir les demandeurs - déception qui s'est parfois manifestée très vivement. Elle n'a pas eu ce faisant le sentiment de déroger ni à l'égalité entre candidats, ni à la liberté d'expression.

c) La troisième difficulté, enfin, est proche de la précédente, mais s'applique à des candidats dont la notoriété et le sérieux les conduisaient à espérer figurer dans la liste officielle des candidats. Elle conduit donc de la part de ces derniers à mettre en parallèle l'absence de mention de leur campagne dans les émissions des sociétés de programme d'une part, et l'espoir d'obtenir les signatures nécessaires pour être candidat retenu par le Conseil constitutionnel. La commission a eu ainsi à répondre à des personnalités qui n'ont pas figuré, in fine, sur la liste du 4 avril, et à d'autres qui en ont fait partie : les uns et les autres manifestaient la même inquiétude. Ceux qui souhaitent apparaître comme des alternatives possibles au duel droite-gauche, incarné par deux candidats, affirment en outre que les médias se font, en donnant une place privilégiée à ce duel, les complices - donc les propagandistes - d'une division à laquelle il était précisément nécessaire de mettre fin. Autrement dit, il était affirmé que les sociétés de programme anticipaient les résultats, dès le mois de février, en faisant « comme si » un deuxième tour était déjà inscrit d'avance.

De manière plus fondamentale, semble-t-il, ces revendications constatent l'existence d'une « pré-campagne » qui devrait donc être réglementée pour assurer l'égalité entre les candidats de la même manière que la période de la « campagne » proprement dite. Faute de quoi, en effet, l'élection pourrait être entachée de suspicion, puisque l'inégalité de la « pré-campagne » aurait faussé la confection de la liste de candidats : plaidant que l'écart de « temps de parole » pendant l'année précédant l'élection a été de 1 à 200 selon les candidats, « l'élection, écrit l'un d'entre eux, pourra-t-elle être considérée comme valide si je ne recueille que 490 parrainages et qu'un autre candidat en recueille 510 alors qu'il aura eu un temps de parole très nettement supérieur au mien ? ».

La commission a répondu à ces observations en rappelant la distinction qu'organisent les textes de 1962 entre la période de la campagne (appelée souvent à tort « la campagne officielle ») qui est ouverte, pour les deux tours, entre la date de la publication de la liste et la veille du jour du scrutin, et la période antérieure, appelée par facilité « pré-campagne », mais qui n'a jamais reçu de définition précise et qu'il serait impossible de dater de manière satisfaisante, au moins à son début. Le législateur a clairement écarté l'idée que la période de recueil des parrainages par les candidats devait être soumise à contrainte.

Toutefois, la commission a également rappelé les recommandations qu'avait édictées le Conseil supérieur de l'audiovisuel à l'endroit des sociétés de programme, qui étaient de nature à répondre aux inquiétudes manifestées. On reviendra sur ce point dans les développements consacrés à la campagne audiovisuelle.

Cette réponse qui a été faite, à plusieurs reprises, est bien entendu strictement conforme au droit en vigueur. Elle est aussi en partie conforme aux faits, puisque, comme l'on sait, l'un des candidats arrivés en tête au premier tour n'a pas été l'un de ceux que les programmes audiovisuels avaient privilégiés avant le 5 avril. Demeure évidemment l'inconnue, qui est de savoir si telle personnalité aurait pu obtenir suffisamment de parrainages pour pouvoir être candidate si elle avait été plus présente dans les émissions des médias. Une telle question n'aura jamais de réponse satisfaisante.

Reste toutefois la question, qui doit être appréciée dans sa généralité, de la « pré-campagne ». Ce rapport en traitera dans sa dernière partie.


2. Les relations de la commission avec les candidats

après le 4 avril 2002

a) Au plan national


Sauf exception et incertitudes particulières (changements d'adresse...), la commission a disposé rapidement d'une liste de mandataires que les candidats retenus par le Conseil constitutionnel lui avaient fait connaître, pour beaucoup (notamment pour les « grands » candidats) dès avant le 5 avril, la commission les ayant saisis sur ce point. Le « Mémento à l'usage des candidats » prévoyait la date du 5 avril pour informer la commission : on doit encourager une information encore plus précoce, au risque - sans réelles conséquences - de voir un candidat ayant présenté un mandataire à la commission finalement non retenu par le Conseil constitutionnel faute de parrainages en nombre suffisant. On ne saurait assez insister sur l'importance de tels éléments matériels pour l'efficacité de son travail.

Du point de vue de la commission, les relations avec les mandataires - et, plus exceptionnellement, avec les candidats eux-mêmes - ont été régulières, aisées et fructueuses. Il convient toutefois de distinguer les candidats disposant d'équipes relativement nombreuses ou bien de militants dévoués et rodés (les deux cas de figure n'étant pas obligatoirement confondus), par conséquent aisément joignables, même dans l'urgence, les mandataires ayant eux-mêmes des seconds clairement identifiés ; et les candidats faiblement pourvus en effectifs chargés de les épauler (parfois deux personnes seulement à temps plein), par conséquent se trouvant chargés de multiples tâches et, par la force des choses, moins disponibles.

Mais la commission a eu à l'égard des candidats et de leurs mandataires, comme il a été dit, un double rôle : celui de contrôle, dévolu par les textes en vigueur, et celui d'un office de renseignements sur la portée, donc l'interprétation, de ces mêmes textes. Il n'est pas exagéré d'indiquer que, au moins jusqu'au premier tour de l'élection, ce second élément l'a emporté sur le premier. Dans cette mesure, la commission a, à l'inverse de la facilité de contact qui vient d'être décrite, qui privilégiait les « grands », oeuvré le plus souvent, de fait, pour les « petits » candidats, qu'elle a renseignés au fil de leurs demandes multiples sur leurs droits et obligations, et qu'elle a joints pour aider à aplanir des difficultés sur lesquelles on reviendra.

Est-il nécessaire d'ajouter que, en la matière, la commission a scrupuleusement observé une stricte neutralité ? Chargée de faire respecter l'égalité entre les candidats, ses membres et ses agents ont eu sans cesse à l'esprit que cette obligation s'imposait en premier lieu à eux-mêmes.


b) Au plan départemental


Les dispositions en vigueur prévoient que les candidats peuvent désigner dans chaque département un représentant, chargé d'intervenir en leur nom d'une part pendant la campagne, auprès des commissions locales de contrôle, d'autre part pour le vote, dans les bureaux et auprès des commissions de recensement des votes. Ce représentant peut, à son tour, déléguer ses prérogatives à des mandataires communaux ou intercommunaux lesquels, eux aussi, ont la faculté, en vertu du code électoral, de désigner des assesseurs (titulaire et suppléant) dans chaque bureau de vote, ainsi que des délégués (titulaire et suppléant) et des scrutateurs. Il est à peine besoin de dire que l'intérêt des candidats est de procéder à ces désignations, tout autant qu'à celles des mandataires nationaux.

Cette désignation est toutefois beaucoup plus délicate ; en particulier pour les candidats qui ne disposent pas, dans chaque département, d'un réservoir de militants disponibles (un des motifs pouvant notamment se rattacher au fait que les opérations électorales interviennent en période de vacances scolaires) ou ceux - il y en a eu - qui ont su in extremis qu'ils figuraient sur la liste dressée par le Conseil constitutionnel. Un grand nombre de personnes sont concernées. Il y a des défections, des changements, des hésitations (nationales ou locales), des indications incomplètes. L'opération a manifestement suscité des difficultés dans certains cas.

Les circulaires avaient prévu que chaque candidat devait remettre à la commission au plus tard le dimanche 7 avril à 12 heures, cent cinquante exemplaires d'une liste de représentants départementaux, à charge pour elle de vérifier l'exactitude des données fournies et d'en transmettre ensuite un exemplaire à chaque préfet.

Cette manière de faire et ce calendrier ont suscité des difficultés. D'une part, la possibilité d'envoyer la liste avant le 7 avril n'a pas été clairement perçue, y compris dans certaines préfectures. D'autre part, et surtout, il a été impossible pour d'autres de fournir la liste en temps utile. En outre, la nécessité de livrer cent cinquante exemplaires n'était pas évidente : plutôt que d'envoyer une liste exhaustive à chaque préfet, il suffisait de donner à ce dernier le nom de « son » représentant départemental. Enfin, la commission s'est interrogée sur le contrôle effectif qu'elle pouvait assurer sur des noms ou des adresses de personnes dont elle ignorait tout.

Il convient en la matière d'assurer l'essentiel : la possibilité pour une personne donnée, dans chaque département, de démontrer qu'elle est bien le mandataire d'un candidat, autrement dit qu'elle peut agir en son nom. Chacune d'entre elles doit donc pouvoir justifier d'un mandat particulier, dont le modèle (qui serait ensuite à revêtir de la signature du candidat) pourrait être défini à l'avance par le ministre de l'intérieur. Après quoi il appartiendrait à chaque mandataire de justifier aussitôt que possible sa délégation auprès du préfet et du président de la commission locale de contrôle, lesquels rendraient compte à la commission, qui dresserait, au vu de ces indications, une liste nationale pour simple contrôle auprès du mandataire national (liste dépourvue d'effet pratique). Les changements, inévitables, de mandataires en cours de campagne seraient opérés de la même manière. Il convient donc de « remonter » du local au national et non l'inverse, et de permettre aux mandataires de se faire connaître le plus tôt possible et, pourquoi pas, avant l'établissement de la liste des candidats (le risque étant le même que celui signalé ci-dessus pour le mandataire national, c'est-à-dire sans conséquence). Les préfets signaleraient évidemment à la commission toute incertitude provenant des justificatifs présentés.


DEUXIÈME PARTIE

Le déroulement de la campagne

A. - Les moyens classiques de propagande

1. Les affiches et déclarations des candidats : le contrôle

a) La conformité du matériel électoral aux dispositions

législatives et réglementaires


Aucune disposition particulière à la forme et au contenu des affiches et déclarations (« professions de foi ») des candidats n'existe dans les textes relatifs à l'élection présidentielle. Les prescriptions de droit commun du code électoral (art. L. 48 et suivants ; art. R. 26 et suivants) et de la loi du 29 juillet 1881 sont en revanche applicables. S'agissant des affiches, on sait que le code électoral précise, méticuleusement, leurs dimensions ; qu'il prohibe le papier blanc comme l'emploi d'une combinaison « des trois couleurs : bleu, blanc et rouge » ; que les affiches doivent être apposées exclusivement sur les emplacements (égaux pour les candidats) prévus à cet effet par les maires (« panneaux »). Pour les déclarations, leur format (longueur et largeur) est également défini au millimètre près. Mais rien ne règle leur contenu.

A ces dispositions d'ordre général, le décret du 8 mars 2001 ajoute des dispositions sur le contrôle des affiches et des déclarations par la commission. Elle doit en vérifier la conformité aux dispositions légales et réglementaires et s'assurer que des affiches et déclarations identiques seront envoyées sur tout le territoire de la République ; les modèles approuvés sont ensuite envoyés à chaque préfet ou représentant de l'Etat par la commission qui reçoit par ailleurs des candidats les affiches et déclarations qu'ils ont fait imprimer ; après vérification de la conformité de ces dernières au modèle envoyé par la commission, les déclarations sont mises sous pli et envoyées aux électeurs et les affiches placardées par les soins de la commission locale de contrôle. Le calendrier de l'ensemble de ces opérations est fixé par le décret ; on reviendra sur son caractère extrêmement serré.

La première intervention de la commission a consisté à éclairer les candidats (leurs mandataires) sur les dispositions applicables, en particulier sur les déclarations. Il a été, par exemple, demandé si l'emploi des couleurs du drapeau national était autorisé pour ces textes : la réponse a été positive ; si cet emploi est interdit dans les affiches, il ne l'est pas pour les déclarations. En ce domaine, surtout vis-à-vis des candidats à l'équipe restreinte ou des candidats moins riches d'expérience électorale, la commission a joué le rôle d'information qu'on a souligné précédemment.

La deuxième intervention de la commission a été de procéder à la vérification de la conformité des affiches à la réglementation. Il était demandé aux candidats d'envoyer le plus tôt possible le texte des affiches et des déclarations. Certains l'ont fait en plusieurs temps et ont soumis de manière isolée à la commission des projets, y compris avant l'établissement par le Conseil constitutionnel de la liste des candidats. La commission, loin d'y voir une méconnaissance des textes, n'y a vu que des avantages, son opinion pouvant éclairer les candidats sur les choix à faire et éviter des situations dans lesquelles une affiche ou une déclaration aurait été refusée au dernier moment. Mais elle n'a donné son avis naturellement que sous réserve que l'auteur du projet soit retenu comme candidat.

Dans ce contexte, elle a été saisie du projet de « logo » d'un candidat, destiné notamment à figurer sur ses affiches, qu'elle a examiné dans sa séance du 21 mars. Ce logo se présentait comme un rectangle bleu et rouge sur lequel figuraient des lettres blanches rappelant un sigle propre au candidat. La commission ne l'a pas admis, au motif qu'il présentait une combinaison des trois couleurs nationales, interdite par l'article R. 27 du code électoral.

La plupart des affiches et déclarations ont été cependant examinées dans les heures qui ont précédé ou suivi l'établissement, le 4 avril pour le premier tour, le 25 avril pour le second tour, de la liste des candidats (séances de la commission des 4 et 5 avril, d'une part, du 26 avril, d'autre part).

Aucune déclaration ou affiche n'a été en infraction des dispositions applicables sur les dimensions. La commission a toléré des écarts inférieurs à 2 mm ou 3 mm, tant dans les modèles qui lui étaient présentés que plus tard, lors de la distribution, lorsqu'elle a été alertée par des préfets sur des dimensions anormales : il s'agissait là non d'ignorances des prescriptions en vigueur, mais d'approximations inévitables du travail d'impression.

S'agissant en revanche de la prohibition des trois couleurs, la commission a admis, quelquefois après discussion, la plupart des projets d'affiches qui lui étaient soumis, en faisant d'ailleurs application de la jurisprudence éprouvée du Conseil d'Etat, du Conseil constitutionnel et des cours judiciaires en la matière (par exemple, Conseil d'Etat, 27 septembre 1989, Elections cantonales de Saint-Avold ; CA de Versailles, 26 mai 1989, Mme Balkany c/ Mme Bernard). Elle a toutefois rencontré deux cas particuliers.

Elle a admis, comme conforme à l'article R. 27, une affiche essentiellement en noir et blanc, dans laquelle apparaissait un emblème dont les trois couleurs étaient le noir, le blanc et le gris. Si l'inspiration de cet élément était évidente, la commission s'est refusé à estimer qu'il s'agissait là d'une combinaison des trois couleurs, au sens des dispositions du code électoral.

En revanche, la commission a refusé l'affiche qu'un candidat présentait comme une combinaison de trois couleurs bleu, blanc et orange et qu'elle a qualifié de combinaison interdite par le droit en vigueur. Il n'y avait en effet aucune ambiguïté dans la manière dont la couleur prétendument orange était perçue : cet orange-là était rouge. La commission a refusé d'ailleurs de faire appel à un expert pour qualifier la couleur, comme le lui demandait le candidat : ce qui est prohibé est évidemment l'emploi des trois couleurs tel qu'il peut ressortir de l'impression visuelle de l'électeur, quels que puissent être par ailleurs les pigments effectivement utilisés pour la composition. Tous les membres de la commission, si l'on peut ainsi s'exprimer, n'y ont vu que du rouge. Il a donc été exigé du candidat, dont l'affiche a été refusée le 5 avril, qu'il puisse présenter une nouvelle affiche avant l'expiration des délais fixée au dimanche 7 avril. Le nouveau projet, présenté à la date voulue, a pu être approuvé sans difficultés par la commission.


b) Le cas des affiches « à l'italienne »


Si le code électoral prévoit les dimensions des affiches, il ne prévoit nullement qu'elles doivent être nécessairement présentées selon l'axe de la plus grande hauteur (largeur inférieure à la longueur). Un candidat a choisi le parti inverse de présenter l'affiche selon l'axe de la hauteur la plus petite (largeur supérieure en dimension à la longueur), selon le principe de l'affiche dite « à l'italienne ». Dès lors que cette manière de faire n'était contraire à aucune disposition, la commission a été amenée à donner un avis favorable à une telle présentation.

Celle-ci s'est heurtée pourtant à de multiples obstacles pratiques, que la commission avait parfaitement identifiés pour une raison très simple : si, en effet, les dimensions des affiches sont soigneusement déterminées, les dimensions des emplacements destinés à les accueillir ne le sont pas. On aurait pu imaginer que le code électoral fixe une longueur et une largeur minimales aux « panneaux » ou autres emplacements possibles. Il n'en est rien et chaque municipalité fait au mieux de son budget, de l'offre du marché spécialisé, ou des coutumes et fabrications locales. Il en est résulté, au cas d'espèce, que si, pour beaucoup de grandes villes, les dimensions du panneau, en particulier en largeur, excédaient celles de l'affiche à l'italienne et que l'apposition de celle-ci n'a soulevé aucune difficulté, il n'en est pas allé de même dans certaines communes, dans lesquelles des panneaux trop étroits ne permettaient pas de déployer normalement l'affiche dans sa plus grande dimension.

Confrontée à cette difficulté, la commission a dû éclairer les préfets et les commissions locales sur les partis à adopter : en aucun cas, évidemment, l'affiche ne devait déborder sur d'autres panneaux électoraux ; si ces derniers étaient scindés, il fallait en quelque sorte « enrouler » l'affiche autour de lui ; dans le cas contraire, il fallait bien se résoudre à découper l'affiche, selon les indications données par la commission, de telle sorte toutefois que l'identification du candidat et le message de l'affiche ne soient tronqués par quelques mains malveillantes. Mais on voit bien que, par la force des choses, la commission a été amenée à approuver des modifications à une affiche qu'elle avait elle-même approuvée. Si l'équipe du candidat ne peut être approuvée de n'avoir pas perçu la difficulté, on doit souligner le paradoxe qu'il y a à autoriser les affiches à l'italienne sans imposer de dimensions aux panneaux : la logique voudrait que la question soit résolue dans le code électoral par l'un ou l'autre aspect.


c) Le matériel électoral en langues allemande et tahitienne


Deux sources de droit distinctes autorisent les candidats à diffuser, dans deux parties du territoire de la République, des affiches et déclarations dans la langue qui peut être utilisée localement en sus de la langue française.

Dans les départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, ainsi que dans neuf cantons du département de la Moselle, depuis 1919 (cf. note 3) , les candidats aux élections sont autorisés à diffuser, outre les exemplaires en français autorisés par le code électoral, une affiche et une déclaration en langue allemande. Il en va de même en Polynésie française, en vertu de la loi portant statut de cette collectivité (loi organique no 96-312 du 12 avril 1996, art. 115 - sur ce point voir la décision du Conseil constitutionnel no 96-373 DC du 9 avril 1996) : une affiche et une déclaration en langue tahitienne peuvent être utilisées par les candidats. Dans les deux cas, ces affiches et déclarations doivent reprendre strictement la présentation et le texte du matériel électoral en langue française.

Il est donc revenu à la commission de vérifier la conformité des textes en allemand et en tahitien qui lui ont été présentés avec les mêmes textes en français. Elle l'a fait aisément dans le premier cas, en recourant à l'aide d'un traducteur assermenté agréé par les cours judiciaires. Dans le second, faute de pouvoir trouver en métropole un traducteur présentant les mêmes garanties, elle a recouru à un expert en Polynésie même, par l'intermédiaire du Haut Commissariat et de la commission locale de contrôle. Sur ses indications, d'ailleurs, la commission a demandé à deux candidats de modifier le texte tahitien présenté, ce qui n'a suscité aucune difficulté pour l'un et n'a pas été fait pour l'autre.

Lors du premier tour, huit candidats ont utilisé la possibilité d'envoyer une déclaration en allemand aux électeurs, un seul ayant simultanément eu recours à une affiche en allemand. Les deux candidats du second tour ont fait parvenir aux électeurs une déclaration dans cette même langue. Pour la Polynésie, un seul candidat à chaque tour a envoyé des déclarations en langue tahitienne.


d) Le respect des délais impartis pour le dépôt

du matériel électoral à la commission


La réglementation (art. 17 et 18 du décret du 8 mars 2001) fixe le délai du dépôt des affiches et des déclarations par les candidats à la commission au plus tard le deuxième dimanche avant le jour du scrutin pour le premier tour, et le deuxième samedi avant le jour du scrutin pour le second tour : soit, respectivement, en 2002, le dimanche 7 avril et le samedi 27 avril.

La commission a considéré que le respect de la règle de l'égalité entre les candidats, notamment, lui imposait de faire une application stricte de ces délais. En outre, les contraintes très strictes de calendrier (sur lesquelles on reviendra) conduisaient aussi à faire observer cette règle, si l'on voulait qu'affiches et déclarations soient diffusées en temps utile. Les candidats ont tous observé ces délais lors des deux tours (y compris, on l'a vu, celui dont l'affiche a été, dans un premier temps, refusée) pour la remise de leurs modèles d'affiches et de déclarations en français, c'est-à-dire pour l'essentiel. Mais il n'en a pas été de même des affiches et déclarations en allemand ou en tahitien, pour lesquelles la commission a considéré que les délais étaient les mêmes : un candidat, faute de temps, n'a pas procédé aux corrections de la traduction en tahitien de sa déclaration que lui demandait la commission ; des textes en allemand de trois candidats ont été enregistrés à la commission le lundi 8 avril et le mardi 9 avril. La commission, constatant le dépassement du délai fixé à l'article 18 du décret, a refusé de les prendre en considération, et les électeurs d'Alsace-Moselle et de Polynésie n'ont pas eu, de ces candidats, du matériel électoral dans la langue locale autorisée. Ce faisant, elle n'a fait que reprendre une jurisprudence bien établie selon laquelle les délais en matière électorale sont impératifs, par exemple pour l'enregistrement des candidatures (Conseil constitutionnel, 21 juin 1973, Ass. nat., Corse, 3e circonscription ; Conseil d'Etat, 21 avril 2000, Elections cantonales de Maripasoula).


2. Les affiches et déclarations des candidats :

diffusion et distribution

a) La remise du matériel électoral en préfecture


Les préfets (ou représentants de l'Etat) devaient, comme il a été indiqué, recevoir, d'une part, de la commission les modèles des affiches et déclarations des candidats agréés par elle, d'autre part, des candidats eux-mêmes un nombre d'affiches et de déclarations, conformes aux modèles, suffisant pour les besoins du département (ou de la collectivité territoriale).

Si l'acheminement, dans des conditions de rapidité exceptionnelles, des modèles depuis la commission jusqu'aux préfectures n'a posé aucun problème particulier, grâce en particulier à l'action diligente de La Poste et de ses filiales (et aussi, pour l'outre-mer, de celle des délégués de la commission qui ont assuré eux-mêmes ce transport), en revanche, la livraison par les candidats de leurs affiches et déclarations a soulevé dans certains cas des difficultés sensibles, notamment de la part de candidats dépourvus d'expérience, que la commission, là aussi, s'est efforcée de conseiller utilement. Ces difficultés ont été de quatre ordres.


Des difficultés de calendrier en premier lieu


Il a fallu d'abord dissiper une ambiguïté auprès des préfets, dont beaucoup avaient prévu une date limite pour le dépôt, par les candidats, de leurs textes en préfecture.

Ils se fondaient sur les dispositions de droit commun de l'article R. 38 du code électoral, en vertu duquel le mandataire d'un candidat doit remettre affiches et déclarations au président de la commission locale « avant une date limite fixée pour chaque tour de scrutin par arrêté préfectoral ». Fort de ce texte, nombre d'entre eux, pressés par ailleurs par les contraintes des envois dans les communes de ce matériel, avaient fixé au mardi 9 avril la date limite de dépôt. Certaines préfectures ont donc eu des difficultés à gérer une situation qui les prenait en étau : respecter les délais de dépôt pour procéder aux envois nécessaires et tenir compte du fait que tous les candidats n'avaient pas remis affiches et déclarations. D'autres, de manière inhabituelle, entendaient interdire aux candidats tout dépôt de ces dernières avant la date qu'elles avaient déterminée : la commission a eu à intervenir sur ce point.

C'est qu'en réalité, les contraintes ne résultaient que du seul calendrier, et non d'une norme juridique. En effet, aucun texte n'a rendu applicable à l'élection présidentielle l'article R. 38 du code. Les préfets ne pouvaient donc imposer une date limite (qu'elle joue dans un sens ou dans un autre). Toutefois, étaient bien en vigueur pour l'élection les prescriptions du code selon lesquelles les déclarations doivent être envoyées aux électeurs au plus tard le mercredi précédant le premier tour (en l'espèce le 17 avril), et le jeudi précédant le second tour (2 mai) ; selon lesquelles aussi aucune affiche ne pouvait être apposée après le jeudi précédant le premier tour (soit le 18 avril) ou après le vendredi précédant le second tour (3 mai), ce qui supposait qu'elles fussent en place avant ces dates limites.

Il n'en reste pas moins que le retard avec lequel des candidats ont fait procéder à l'impression, puis à la livraison de leur matériel électoral, a compliqué beaucoup la tâche matérielle des préfectures et mis parfois en péril le respect des délais qu'on vient de rappeler. Tel a été le cas en particulier dans certaines collectivités d'outre-mer. Avec de remarquables efforts, les représentants de l'Etat ont réglé ces difficultés, en particulier en organisant des transports supplémentaires imprévus.


Des difficultés matérielles en deuxième lieu


L'imprécision des consignes données aux imprimeurs ou les erreurs commises dans l'impression n'ont pas toujours facilité la tâche des personnels chargés de la mise sous pli. Dans beaucoup d'endroits, ces derniers ont eu à remplir des tâches qui n'auraient pas dû leur échoir. C'est ainsi que certaines affiches ou déclarations de candidats sont parvenues non pas pliées séparément, mais agrégées par paquets, qu'il appartenait aux réceptionnaires de trier et de plier unité par unité. Il est souhaitable que des directives plus fermes soient transmises, dans des circonstances semblables, aux imprimeurs, dans l'intérêt même des candidats pour lesquels le respect des délais est primordial.


Des difficultés de volume en troisième lieu


Dans certains départements (en particulier, mais pas seulement, outre-mer), les affiches et déclarations livrées par quelques candidats ne correspondaient pas aux volumes requis (et clairement mentionnés dans le « Memento à l'usage des candidats » du ministère de l'intérieur) et ont été fournies en nombre insuffisant. Dans quelques hypothèses, cette insuffisance était provisoire et dépendait des délais de livraison des imprimeurs ; mais dans d'autres, elle s'est avérée définitive, pour des raisons diverses, tenant le plus souvent à des questions matérielles (erreurs de commandes, livraisons contenant moins de documents qu'indiqué, machines hors d'usage...).

Localement, il a alors été souvent suggéré par l'autorité administrative de « livrer » les volumes disponibles dans les communes les plus peuplées, et de laisser, selon les disponibilités, d'autres communes sans affiches ou déclarations. La commission s'est fermement opposée à cette manière de voir. Dès lors que la responsabilité de la pénurie incombait clairement à un candidat, il appartenait à celui-ci, c'est-à-dire éventuellement à son mandataire départemental, de déterminer quelle diffusion il entendait assurer, autrement dit de décider quels électeurs servir et quels autres laisser sans déclaration. La loi impose à l'administration d'assurer l'égalité entre les candidats, par conséquent l'égalité de l'information des électeurs. Elle ne saurait prendre des mesures qui sont de la seule responsabilité des candidats, sans méconnaître ce principe.


Des difficultés tenant à la conformité du matériel

avec les modèles agréés, enfin


Plusieurs préfets, à qui revenait la tâche d'apprécier la conformité du matériel livré par les candidats avec le modèle d'affiche ou de déclaration approuvé par la commission, ont signalé à celle-ci des écarts entre l'un et l'autre. On a déjà indiqué les écarts minimes de dimension, évidemment dus au maniement du massicot. Mais d'autres écarts étaient plus importants : détail omis sur une photographie d'affiche, couleurs altérées, formules modifiées ou absentes dans les déclarations...

La commission s'est prononcée dans chaque cas sur le sort qu'il revenait de réserver à ces écarts, autrement dit si elle autorisait ou non la diffusion locale du document non conforme à ce qu'elle avait approuvé. Elle a constaté en réalité que, dans la quasi-totalité des cas, les différences étaient minimes et ne méconnaissaient ni les dispositions en vigueur, ni le sens et la portée du message électoral. Elle a donc considéré que ces documents pouvaient être utilisés, compte tenu de la nécessité où se trouvaient les électeurs d'être convenablement informés. Toutefois, dans un cas, elle a estimé qu'il y avait altération du message initial qu'elle avait agréé et, sans interdire la diffusion (ce qui serait apparu disproportionné par rapport à la modification intervenue), elle a adressé des observations au candidat et a fait connaître au juge de l'élection le contenu des remarques ainsi faites.


b) La mise sous pli et l'envoi des plis par les préfectures


Une fois recueillis les matériels des différents candidats, il revenait aux préfectures, sous le contrôle des commissions locales, d'effectuer la mise sous pli des déclarations des candidats et, avec le concours des services postaux, leur envoi aux électeurs.

Cet exercice est redoutable pour ceux qui en ont la responsabilité pratique et il est d'ailleurs redouté. Il exige, du fait de son volume, une importante mobilisation de temps et d'effectifs ; du fait des principes qui le guident (l'égalité des électeurs), une grande précision ; du fait des contraintes de temps (on a rappelé les délais limites d'envoi du mercredi ou du jeudi précédant le jour du scrutin), une grande rapidité d'exécution, puisque les documents arrivent tardivement.

Cette tâche est évidemment compliquée par le nombre de candidats. Plus celui-ci est élevé, plus elle est importante. A cet égard, comme à beaucoup d'autres (le nombre des panneaux disponibles dans les communes, par exemple...), le nombre de candidats (seize) à l'élection présidentielle de 2002 a eu d'inévitables conséquences dans l'organisation du travail, auxquelles il a fallu remédier localement. On doit souligner avant tout sur ce point les facultés d'adaptation des autorités locales et l'esprit constructif dans lequel ont travaillé les personnels titulaires ou d'occasion.

La commission a eu à intervenir sur trois points.

Elle a été confrontée d'abord à la pratique (parfois ancienne) de certaines préfectures qui, faute de local suffisant, avaient pris l'habitude de confier la mise sous pli des documents électoraux à des fonctionnaires de différents services de l'Etat, qui l'effectuaient à domicile, dans les jours précédant l'envoi.

Tout en comprenant les exigences matérielles qui conduisaient à une telle solution, la commission ne l'a pas approuvée. Elle rend en effet impossible un véritable contrôle de la mise sous pli par la commission locale, comme les textes le prévoient. Elle risque surtout de faciliter d'éventuels entorses à l'impartialité ou, plus simplement, à la rigueur du travail à accomplir (le fonctionnaire ne va-t-il pas, chez lui, partager la tâche en famille ?). Certes, il a été fait valoir que des contrôles aléatoires étaient effectués lors de la remise des plis par les fonctionnaires de retour sur le lieu du travail. Mais cette précaution a paru insuffisante à la commission, qui a demandé que, dans tous les cas, la mise sous pli s'opère dans des locaux prévus à cet effet, sous le contrôle effectif, d'une part, des fonctionnaires du bureau des élections, d'autre part, du président de la commission locale. Elle souhaite que ce qu'elle a recommandé perdure, y compris pour les scrutins non présidentiels.

La commission a été saisie ensuite, par des candidats, de critiques sur des imperfections de la mise sous pli. Il a été mentionné, sur la foi d'indications de mandataires ou plus encore de militants ou de simples électeurs, que les plis arrivaient incomplets à domicile et qu'il y manquait en particulier des déclarations du candidat qu'on entendait soutenir : absence des « professions de foi » des candidats de droite dans une commune de Seine-Saint-Denis ; absence de celles d'un candidat de gauche dans des plis parvenus à des Français résidant aux Etats-Unis et en Scandinavie. Dans chaque cas significatif, la commission s'est rapprochée de l'administration locale ; des vérifications ont été faites. Il en résulte que si des imperfections ont pu exister, elles ont été accidentelles ; qu'elles sont demeurées extrêmement limitées, à la suite d'erreurs de manipulation sans caractère systématique. On doit donc indiquer que l'opération n'encourt aucun grief, tant au premier tour qu'au second.

En revanche, et c'est là le dernier terrain d'intervention, la commission a eu à se préoccuper des délais dans lesquels les plis parvenaient aux électeurs. L'envoi - pour le premier tour - de plis contenant seize déclarations et autant de bulletins de vote à près de quarante et un millions deux cent mille électeurs est en soi une tâche considérable ; concentré dans les délais dans lesquels il est enfermé (un envoi avant le 16 avril au plus tôt n'était matériellement guère concevable ; or, les électeurs devaient en avoir lecture évidemment avant le jour du scrutin, le 21), l'effort est plus redoutable encore. Pour le second tour, si les plis étaient plus réduits en poids, leur nombre était aussi élevé et les délais, eux aussi, étaient plus réduits (de vingt-quatre heures environ).

Pour le premier tour, une des principales difficultés a été le déclenchement de mouvements sociaux parmi le personnel de La Poste dans quelques départements ; il a pris une forme significative dans trois d'entre eux. Grâce aux négociations rapidement engagées, les retards qui en ont résulté ont été circonscrits et limités à vingt-quatre heures. Pour le second tour, la difficulté tenait à ce que la veille du jour limite pour l'envoi des plis était le 1er mai, jour pendant lequel il n'était pas possible de mobiliser massivement les personnels de La Poste. La commission comme les préfets et les commissions locales se sont efforcé de prévoir un envoi des plis le lundi 29 avril. Mais ce pari a été rarement tenu, puisque les déclarations des candidats n'étaient pas parvenues à temps en préfecture pour que la mise sous pli soit achevée à cette date. L'expédition a donc eu lieu souvent le 30 avril, quelquefois le 2 mai. Beaucoup d'électeurs ont donc reçu le matériel électoral le vendredi 3, quelquefois même le samedi 4 (un candidat a marqué son inquiétude sur ce point à la commission). Mais cette difficulté était, compte tenu du calendrier, inévitable. En toute hypothèse, des renseignements fournis par La Poste, avec laquelle la commission a été en étroites relations, il ressort d'évidence que la presque totalité des électeurs a été servie avant le jour du scrutin du second tour.


3. Les bulletins de vote


On doit consacrer à cette question quelques développements, étant rappelé qu'en vertu de l'article 23 du décret du 8 mars 2001, la confection et l'acheminement des bulletins de vote sont une affaire exclusivement administrative.

Pour le premier tour, des candidats ont fait savoir au Conseil constitutionnel et à la commission que des bulletins qui avaient été envoyés aux électeurs, à la suite de négligences dans le travail d'impression, comportaient des défauts. En particulier, dans un département de la région parisienne, un grand nombre de bulletins d'un candidat comportaient des taches qui pouvaient, au moment du dépouillement des votes, être assimilées à un signe de reconnaissance et être rangés ainsi au nombre des bulletins qui ne pouvaient être comptabilisés comme suffrages valides.

Ces inquiétudes posaient un problème matériel. Même si l'analyse à laquelle il a été procédé laissait penser que de tels bulletins seraient bien comptabilisés comme suffrages exprimés, car de tels défauts étaient accidentels et ne pouvaient donc être interprétés comme une atteinte au secret du vote et comme un signe de reconnaissance (par exemple Conseil d'Etat, 28 décembre 1946, Elections municipales de Roissy-en-France), en accord avec les administrations intéressées (ministère de l'intérieur, préfecture), il a été toutefois procédé au remplacement dans les bureaux de vote des bulletins litigieux.

Mais ces préoccupations posaient aussi une question de compétence entre le Conseil constitutionnel et la commission. Certes, l'organisation du vote relève à titre exclusif du premier ; mais l'envoi du matériel électoral aux électeurs appartient à la seconde. C'est d'une manière empirique, et en plein accord entre les deux institutions, que l'accord s'est fait. L'analyse et la solution ont été dégagées dans une étroite concertation.


4. L'apposition des affiches des candidats


Contrairement aux règles adoptées pour les autres scrutins, dans lesquels l'apposition des affiches sur les panneaux électoraux est à la charge des candidats, le décret du 8 mars 2001 prévoit, pour l'élection présidentielle, que l'affichage « est assuré par les commissions locales » de contrôle. Une telle disposition permet évidemment, en principe, d'assurer l'égalité entre les candidats, en particulier entre ceux qui seraient dépourvus de « colleurs d'affiche » et devraient recourir aux afficheurs professionnels, et les autres. Elle facilite aussi l'affichage simultané sur les panneaux électoraux des communes.

Toutefois une telle solution n'est pas sans défaut.

D'une part, les commissions doivent veiller non seulement à l'affichage proprement dit, mais aussi au remplacement des affiches dénaturées ou rendues méconnaissables : il n'est pas certain que ce remplacement soit assuré avec toute la diligence voulue. En effet, l'affichage est, de facto, assuré par des professionnels choisis par les préfectures longtemps à l'avance, selon des procédures classiques (et lourdes) de marchés publics : les conventions signées prévoient des surveillances en vue de renouvellement des affiches. Mais la réalité est difficile à contrôler et le remplacement est sans aucun doute moins bien assuré que par la voie militante. La situation du second tour a pu rendre cette question importante et un des candidats s'en est d'ailleurs préoccupé.

D'autre part, que se passe-t-il en cas de défaillance d'un titulaire du marché ? Dans un département de l'Est de la France, pour des raisons sur lesquelles le cocontractant de l'administration a eu quelque peine à fournir une explication, beaucoup de panneaux communaux sont restés vierges de toute affiche, comme l'a constaté d'ailleurs de visu un membre de la commission. Les délais ont rendu très difficile une solution de substitution. Et si le préfet s'est retourné ensuite contre l'entreprise en vue de la réparation financière du dommage ainsi causé, cette action n'a rien réglé évidemment quant au problème matériel de l'affichage. Heureusement, un tel incident est resté isolé.

Il convient néanmoins de se demander s'il n'est pas nécessaire de remettre l'apposition des affiches sur les panneaux électoraux à la charge des candidats, en laissant aux commissions locales un simple rôle de surveillance.


B. - Le déroulement de la campagne dans la presse

1. Le rôle de la commission et la liberté de la presse


Bien que le rôle des journaux en matière électorale soit parfaitement clair depuis longtemps, cette évidence n'est pas toujours connue des candidats, dont les équipes peuvent parfois se plaindre auprès de la commission du traitement négatif dont leur champion est l'objet dans des organes de presse, en particulier lorsque, dans certains départements, ces organes sont en situation de large domination.

Il en va des prises de position de la presse (cf. note 4) pour l'élection présidentielle comme des autres scrutins : « Aucune disposition législative ou réglementaire en vigueur n'interdit ou ne limite les prises de position politiques de la presse dans la campagne électorale » (Conseil d'Etat, 29 juillet 1983, Elections cantonales de Vesoul-Est). Ce principe, pour des raisons évidentes, doit être scrupuleusement préservé. Il n'est tempéré que par les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse relative au droit de réponse (art. 13) et, bien entendu, celles définissant le délit de diffamation (art. 29), qui s'appliquent en période électorale comme à l'accoutumée (Cour de cassation, chambre criminelle, 12 février 1897 ou, plus récemment, Cour de cassation, chambre criminelle, 8 janvier 1985, D...). Le juge électoral peut ensuite qualifier une campagne de presse diffamatoire de « faits de nature à altérer les résultats du scrutin » (Conseil d'Etat, 18 janvier 1980, Elections municipales de Sainte-Suzanne [Réunion]). Mais telle n'était pas, en tout état de cause, l'affaire de la commission, qui n'avait pas, et n'a pas eu, à connaître de tels sujets.


2. La prohibition de la publicité commerciale


En revanche, il est pleinement du rôle de la commission de faire respecter, dans les journaux, la prohibition, issue de l'article L. 52-1 du code électoral, de « l'utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle », même si, comme l'a précisé la Cour de cassation, cette publicité est effectuée sans contrepartie financière (Chambre criminelle, 7 juin 1990).

Pour assurer sa mission en ce domaine, la commission disposait des commissions locales, et aussi, de fait, des indications que les services du Conseil constitutionnel étaient en mesure de donner grâce au dépouillement systématique de la presse quotidienne nationale et régionale qu'ils opéraient.

Elle a été amenée à intervenir lors du second tour. Dans les circonstances particulières de ce scrutin, comme on le sait, les prises de position ont été multiples. La presse s'en est largement fait l'écho, parfois même sous forme d'articles importants. Mais certains organes de presse ont cru pouvoir publier des encarts, sous forme de pleines pages publicitaires, appelant à voter pour l'un des deux candidats en lice.

La commission s'est ainsi saisie du cas de trois quotidiens, dont deux nationaux et un régional, ayant publié une publicité commerciale, le vendredi 3 mai, dont le contenu était un appel à voter pour un des deux candidats. Elle a considéré sans peine que ces publications étaient contraires aux prescriptions de l'article L. 52-1 du code. Les infractions à ces dispositions étant punies de sanctions pénales, la commission a interrogé les administrateurs des trois journaux : deux d'entre eux ont estimé utile de répondre, au contraire du seul journal Libération. Le premier a répondu en plaidant sa liberté de faire, le second en soutenant qu'il ne s'agissait pas de publicité commerciale au sens de l'article L. 52-1 du code. Ces explications n'ont pas convaincu la commission qui a donc saisi de ces circonstances les procureurs de la République territorialement compétents, à fin d'éventuelles poursuites.

De manière proche, on se bornera à mentionner ici que la commission a également entendu intervenir, dans la semaine précédant le second tour, afin de faire cesser la diffusion dans les salles, par deux distributeurs de programmes cinématographiques, de courts-métrages de nature publicitaire, appelant à voter pour un candidat aux dépens d'un autre.


C. - Le déroulement de la campagne audiovisuelle

1. La « campagne » audiovisuelle avant le 5 avril 2002

a) Le travail du Conseil supérieur de l'audiovisuel


La date du 5 avril, date à laquelle la liste des candidats a été publiée au Journal officiel, constitue bien une césure puisque, à compter de cette date, « le principe d'égalité entre les candidats doit être respecté » dans les services de communication audiovisuels, quelle qu'en soit la nature, d'une part, et que, d'autre part, commence la préparation effective pour les candidats de leurs émissions, dont la première a été diffusée le lundi 8 avril au matin. Avant cette date, en revanche, aucune disposition ni législative ni réglementaire n'impose de contrainte à ces mêmes sociétés de programme ou services de communication, à l'exception, on l'a indiqué, de celles relatives à la publicité commerciale et aussi aux sondages électoraux.

Mais le fait est que la désignation des candidats n'est pas, pour le premier tour, l'aboutissement de la procédure définie par la loi organique du 6 novembre 1962 mais bien l'issue du processus voulu par les organisations et partis politiques ou par les prétendants eux-mêmes. Il y a bien des candidats dès avant la publication de la liste, et cela parce que certains d'entre eux (les plus modestes souvent) préfèrent une « campagne » longue, et alors même que d'autres entendraient se limiter, comme on l'a vu en 2002, à une « campagne » courte. Le mécanisme même des parrainages impose d'ailleurs, pour pouvoir fonctionner, que des candidats se soient déclarés bien avant la date de la liste. Et l'on n'a jamais vu encore de candidat, sauf erreur, se déclarer au dernier moment, pendant la période de recueil de signatures.

Cette situation, alliée à l'absence de réglementation « audiovisuelle », avant la campagne électorale, a paru, dès avant 2002, irréaliste au Conseil supérieur de l'audiovisuel et de nature à engendrer de fortes distorsions entre les candidats, la présence dans les médias allant inévitablement de pair avec une forte notoriété, les deux d'ailleurs se renforçant mutuellement. C'est pourquoi, pour cette élection comme pour la précédente, le CSA a entendu borner l'exercice audiovisuel de la « pré-campagne », notamment par sa recommandation déjà évoquée du 23 octobre 2001, mettant en avant, comme on l'a indiqué, le nécessaire respect par les sociétés de programme du principe d'équité entre les candidats.

Il n'appartient pas à la commission de commenter ici cette recommandation ni quant à son opportunité ni quant à son contenu. Le rapport du Conseil supérieur de l'audiovisuel relatif à l'élection devrait d'ailleurs sur ce point contenir d'intéressantes notations.


b) Le bilan et le rôle de la commission


Comme il a été dit, la commission s'est efforcée de travailler étroitement avec le CSA. Elle a constaté la difficulté de régir avec efficacité la matière, c'est-à-dire de concilier deux principes également importants : la liberté d'expression d'une part, l'égalité des prétendants d'autre part. Cette difficulté tient d'abord à la notion même d'équité, qui peut avoir des significations bien différentes (cf. note 5) . Elle tient ensuite aux moyens dont dispose effectivement le CSA et dont il entend user pour redresser des pratiques contraires à ses recommandations. Elle tient enfin à la circonstance que, le décompte des temps d'émission au bénéfice de tel ou tel s'opérant de semaine en semaine, et la comparaison globale entre chacun s'appréciant au final des trois mois précédant la campagne (c'est-à-dire fin mars), la constatation des écarts se fait pour l'essentiel a posteriori.

Cette constatation, mesurée d'après les « temps de parole des candidats et de leurs soutiens », selon la terminologie du CSA, sur les six chaînes hertziennes de télévision, entre le 1er janvier et le 4 avril 2002, ne fait pourtant pas apparaître de divorces majeurs entre les temps réservés aux candidats, d'une part, et l'importance des courants d'opinion qu'ils représentent, d'autre part, (du moins si l'on se réfère aux résultats d'élections proches et surtout au résultat final du scrutin du 21 avril). La « pré-campagne » audiovisuelle, pourtant critiquée au moment où elle est intervenue, et parfois vertement, peut donner lieu aux constats suivants (sur les seuls partages de temps d'émission) :

- en premier lieu, que les deux candidats jugés les plus importants comptent à leur seul profit 53 % des temps d'émission réservés à l'élection ; sans que l'on puisse distinguer dans ce décompte la part d'attrait due aux fonctions officielles (cf. note 6) et celle qui anticipait (à tort en l'espèce) la campagne du second tour ;

- en deuxième lieu, que les candidats jugés d'importance moyenne (personnalités politiques connues mais estimées sans chances sérieuses de parvenir au second tour) ont entre 7,74 % et 1,27 % des temps d'émission, alors que leurs résultats s'échelonnent au premier tour entre 16,85 % et 1,19 % des suffrages exprimés ;

- en troisième lieu, qu'aucune des personnes ayant obtenu des temps d'antenne inférieurs à 1 % n'a figuré dans la liste des candidats, à l'exception de l'un d'entre eux, qui a d'ailleurs fermé la marche aux résultats du premier tour ; inversement, une seule des personnalités ayant eu plus de 1 % de temps d'antenne n'a pas figuré dans la liste du Conseil constitutionnel, bien qu'il ait recherché des parrainages.

Enfin, mais on l'a déjà mentionné, bien des personnes désireuses de se faire connaître n'ont eu aucun accès à l'antenne, dans les émissions vouées à la campagne ; on peut, sans excès, affirmer qu'aucune d'elles n'avait de chances de figurer dans la liste des personnes retenues par le Conseil constitutionnel.

En bref, les médias ont présenté plus qu'ils n'auraient dû le faire, mais non pas de manière manifestement abusive, les deux candidats présumés du second tour. Cet avantage donné à ces candidats s'est réalisé au détriment des autres candidats connus, dont les temps d'antenne sont intermédiaires, et particulièrement au détriment de l'un d'entre eux. Les « petits » candidats ont obtenu, eux, des temps d'antenne proches de leur score final. Il n'y a bien entendu pas corrélation étroite entre temps d'antenne et résultats. Celui du premier tour montre bien que même cet effet n'a pas été décisif. Les écarts de détail montrent assez que les résultats sont loin de refléter la hiérarchie des temps d'émission : le succès ou l'échec n'est pas nécessairement celui des médias.

Pendant cette période, la commission s'est bornée, comme il a été indiqué en première partie du rapport, à répondre aux inquiétudes des personnalités qui l'ont saisie. Elle a en outre, comme on l'a signalé, à l'intention des médias notamment, diffusé un communiqué relatif aux prescriptions à observer en matière de sondages d'opinion.


2. La campagne audiovisuelle après le 5 avril 2002

a) La règle de l'égalité


Entre le 5 avril 2002 et la fin de la campagne électorale, fixée par le second alinéa de l'article L. 49 du code pour les supports audiovisuels au samedi, veille du scrutin, à zéro heure, la règle est simple : comme on l'a indiqué, l'égalité doit exister entre tous les candidats.

Cette règle ne s'applique pas seulement aux sociétés nationales chargées de diffuser la campagne radio-télévisée des candidats. Elle concerne toutes les sociétés ou services de communication audiovisuelle. Elle est évidemment contraignante pour eux. Elle est pourtant indispensable et, peut-on penser, comprise comme telle.

Son principe est simple. Sa mesure est compliquée. Il ne revient pas à la commission, mais au CSA, d'en détailler les modalités et les résultats. On doit simplement constater, dans le cadre de ce rapport, que la commission n'a été saisie au premier tour, dans le cadre de la campagne qui a été faite entre le 8 et le 19 avril sur les six chaînes de télévision hertziennes et les principales radios, d'aucune plainte d'un candidat, au motif qu'il aurait été désavantagé dans la répartition des temps d'émission. Spontanément, d'ailleurs, certaines rédactions ont organisé des cycles d'émission « magazines », où sont apparus successivement les seize candidats, selon des principes d'entretien classiques pour les émissions d'information ; les journalistes veillaient eux-mêmes à respecter l'égalité des temps de parole, d'un jour à l'autre, entre les candidats.

Le second tour appelle des remarques tout à fait différentes, compte tenu sans doute de sa configuration particulière (à la fois parce que « médiatiquement » imprévue et politiquement inédite). La répartition des temps d'antenne n'appelle guère plus d'observations que pour le premier tour : si, dans certains programmes, on observe une inégalité, elle est au bénéfice du perdant du second tour, en raison des commentaires nombreux qui ont été faits après le scrutin du premier.

En revanche, le contenu même de ces commentaires a suscité les interrogations de la commission, en raison de la tendance très générale à appeler au vote pour un candidat et à critiquer vivement son adversaire, qui s'en est d'ailleurs plaint auprès d'elle dès avant le scrutin. On retrouve ici ce qui a déjà été évoqué à propos de la publicité commerciale. Mais si, dans ce dernier cas, des organes de presse ont enfreint la loi, il n'en a pas été de même dans les éditoriaux multiples consacrés à l'élection entre les deux tours, ou les multiples comptes rendus d'initiatives locales hostiles à un candidat (les « aménagements » destinés à « aseptiser » les bureaux de vote, par exemple). Tout en regrettant la disproportion et l'absence de retenue de certains d'entre eux, la commission a estimé que la liberté d'expression, en dépit des excès qui ont marqué des émissions, faisait obstacle à une intervention de sa part. Elle souhaite toutefois rappeler que la préférence légitime pour tel ou tel, le rejet intransigeant d'idées étrangères à la République ne sont pas inconciliables, bien au contraire, avec le respect du principe de l'égalité des candidats.


b) La campagne organisée au profit des candidats

dans les sociétés nationales de programme


Ce qu'on appelle par commodité, et non sans raccourci, la « campagne officielle » consiste, en vertu des textes en vigueur, à permettre aux candidats de disposer, sur les antennes publiques, d'une série identique d'émissions, pendant lesquelles ils peuvent en toute liberté faire connaître leurs points de vue et propositions (art. 15 du décret du 8 mars 2001).

Cette campagne est un exercice éprouvé, dont le maître d'oeuvre est le Conseil supérieur de l'audiovisuel, qui en assure à la fois l'encadrement réglementaire pour chaque tour de l'élection, et le contrôle pendant la réalisation. Les trois décisions à prendre sont relatives respectivement aux conditions de production et aux horaires de programmation des émissions, à la durée globale accordée à chacun des candidats et à la répartition des émissions sur chaque chaîne, enfin aux dates et aux ordres de passage de ces dernières.

La commission, pour sa part, avait donc en la matière un rôle modeste à jouer. Elle l'a fait de deux manières.

En premier lieu, elle a estimé qu'il lui fallait examiner avant leur publication les textes des projets de décisions du Conseil supérieur de l'audiovisuel, comme le faisait de son côté (et après elle) le Conseil constitutionnel (cf. note 7) . Mais elle a eu peu d'observations à formuler. D'une part, les projets reproduisaient largement des textes qui avaient déjà été pris en 1995 et avaient donné satisfaction ; d'autre part, la nature de ces textes est volontiers technique (par exemple le titre V des décisions sur les conditions de production, de programmation et de diffusion des émissions) et la commission n'a pas à entrer dans leur détail. Elle s'est donc bornée à examiner les conditions dans lesquelles l'égalité des candidats était assurée et elle a approuvé sur ce point les dispositions prises ; elle a aussi étudié les conditions générales imposées aux candidats, et notamment à l'article 8 de la décision sur les conditions de production des émissions. Elle a été ainsi amenée à se prononcer, d'une part, sur la liberté dont disposaient les candidats, laquelle se doit d'être la plus large possible, et, d'autre part, sur les symboles qu'ils pouvaient ou non utiliser, des restrictions étant apportées à ceux qui peuvent d'évidence matérialiser des fonctions officielles ou ceux qui représentent la République comme l'emblème national.

En second lieu, elle a eu à se prononcer sur le contenu de certaines émissions. L'une d'elles, dans la semaine du 8 avril, a suscité une polémique publique. La commission, qui avait approuvé les termes de la décision du Conseil supérieur de l'audiovisuel selon laquelle les candidats étaient libres de leur expression, sous réserve, notamment, de ne pas attenter « à l'honneur et à la considération d'autrui », a estimé que, quelles que puissent être les réserves qu'appelait le fond de la saynète ainsi diffusée, elle n'entrait pas dans cette catégorie.

Pour le surplus, elle a observé les données que lui a communiquées le CSA relatives à l'audience de ces émissions. Globalement, elle estime que, du point de vue qui est le sien, cette part de la campagne n'appelle pas d'observation particulière.


c) L'annonce des résultats dans les sociétés audiovisuelles


En vertu de l'article L. 52-2 du code électoral, « en cas d'élections générales, aucun résultat d'élection, partiel ou définitif, ne peut être communiqué au public, par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle, en métropole, avant la fermeture du dernier bureau de vote sur le territoire métropolitain. Il en est de même dans les départements d'outre-mer avant la fermeture du dernier bureau de vote dans chacun des départements concernés ». L'article est applicable dans les autres collectivités d'outre-mer (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Wallis-et-Futuna) en application des dispositions combinées du II de l'article 3 de la loi organique du 6 novembre 1962 et de l'article L. 388 du code électoral. Cette disposition se fonde évidemment sur la conviction que chaque électeur doit être libre de son comportement (aller voter) et de son choix (en faveur d'un candidat plutôt que d'un autre) et qu'une annonce prématurée de résultats est de nature à modifier l'un ou l'autre ou les deux. Elle impliquait le 21 avril et le 3 mai que les sociétés de programme s'abstiennent de donner aucun résultat avant vingt heures en métropole, et avant l'heure de fermeture du dernier bureau de vote en Antilles-Guyane, d'une part, et en Polynésie française, d'autre part.

Cette disposition, qui vise autant des « résultats », c'est-à-dire des additions de bulletins de vote comptabilisés, que les extrapolations de sondages « sortie des urnes », a été clairement méconnue le soir du premier tour, et ce de deux manières.

Dans les plus écoutés des programmes métropolitains, une fois connus les résultats des enquêtes (entre dix-huit et dix-neuf heures), il a été clairement énoncé que les résultats n'étaient pas ceux attendus (c'est-à-dire annoncés par ces mêmes médias), qu'ils étaient de nature à créer la surprise et que, reportages à l'appui, si la consternation était grande chez les soutiens du principal candidat battu, la joie était manifeste chez ceux qui apportaient leur appui au candidat arrivé en seconde position : la désignation claire de ces deux camps ne laissait planer aucune ambiguïté. Dans le programme d'une chaîne de télévision hertzienne, une personne présente a même en direct appelé à voter tant qu'il était encore temps pour barrer la route au candidat à battre.

Plus grave encore, en Martinique et en Polynésie française, des sociétés locales ont purement et simplement relayé la « soirée électorale » d'une télévision nationale à compter de 20 heures, heure métropolitaine, soit respectivement à 15 heures et 8 heures locales.

La commission a estimé en premier lieu que, si ces débordements étaient relatifs au scrutin, ils étaient susceptibles d'agir sur l'électeur au cours d'une période qui était encore de sa compétence ; elle en a donc déduit (d'ailleurs après concertation informelle avec le Conseil constitutionnel) qu'elle avait compétence pour réagir. En deuxième lieu, elle a publié un communiqué dans lequel elle a dénoncé ce qu'elle a appelé une « méconnaissance généralisée » des dispositions du code électoral, lequel ne porte évidemment aucune atteinte à l'expression des journalistes, pas plus qu'il ne méconnaît les nécessités du droit à l'information. Elle a donc fait connaître sur ce point sa vive réprobation. Enfin, elle a invité le Conseil supérieur de l'audiovisuel à utiliser les pouvoirs qu'il tient de la loi pour sanctionner les infractions. Le CSA, déjà sensible à ces errements, leur a donné une suite conforme aux dispositions de la loi sur la liberté de communication. Il a, au surplus, indiqué fermement aux sociétés de programme le dispositif qu'elles devaient mettre en oeuvre à l'occasion des résultats du scrutin du second tour pour en éviter les répétitions.

De fait, l'information des résultats du second tour du scrutin s'est déroulée de manière beaucoup plus satisfaisante. Il est vrai que si l'enjeu politique était majeur, celui des « effets d'annonce » médiatiques était évidemment sans commune mesure avec celui du premier tour. Aussi la commission recommande-t-elle qu'une attention accrue soit portée à cet aspect de la campagne dans les scrutins à venir.


D. - Le déroulement sur la campagne

sur le réseau internet

1. Les sites officiels des candidats


De manière inédite, la campagne sur le réseau internet a pris une part significative. Même si son effet est difficilement appréciable parce que la fréquentation et ses différentes composantes (militants d'un côté, simples électeurs de l'autre) sont peu mesurables, force est de constater que tous les candidats sans exception ont pris soin de constituer des « sites » qui leur étaient propres, dans lesquels figuraient le plus souvent des indications sur le déroulement de leur campagne, d'une part (meetings, réunions, émissions « officielles » ou non), d'autre part, sur les effets induits (listes de personnalités soutenant le candidat, articles de presse), enfin sur leur programme (textes écrits, textes de discours, classement de rubriques par thème...). Souvent aussi étaient recueillies ou même sollicitées, sous formes diverses, les opinions des personnes ayant accès au site.

La commission a, naturellement, été attentive au contenu de chacun de ces sites, dont le principe est en soi satisfaisant. Aucun d'entre eux, ni par sa forme, ni par son contenu, ni par son utilisation, ne lui a paru nécessiter d'intervention particulière.

Toutefois, interrogée sur ce point par le ministre de l'intérieur, le 11 avril, la commission a pris parti sur l'utilisation des sites des candidats dans les jours précédant le scrutin, eu égard aux dispositions de l'article L. 49 du code électoral qui prohibe, d'une part, la distribution de « tracts » le jour du scrutin, d'autre part, comme on l'a indiqué, tout message audiovisuel de propagande électorale. Avant elle, le tribunal administratif de Paris l'avait fait à deux reprises pour le scrutin municipal de 2001 : 3 octobre 2001, Elections municipales de Suresnes ; 10 octobre 2001, Elections municipales de Bois-Colombes. Après elle, le Conseil d'Etat a également pris parti en la matière : 8 juillet 2002, Elections municipales de Rodez. Relevant que le code électoral ne réglementait pas tous les moyens de propagande électorale, et qu'il lui revenait de concilier à la fois la liberté d'expression, l'égalité des candidats et la sincérité du scrutin, la commission a écarté deux hypothèses : celle qui consisterait à assimiler internet à un moyen de communication audiovisuelle (au contraire de ce qu'a jugé le Conseil d'Etat après elle) et à lui appliquer la réglementation sur ce point, c'est-à-dire à exiger la fermeture des sites à compter du samedi, veille du scrutin, à zéro heure ; celle consistant à regarder les sites comme de simples tracts et à inviter les candidats, par conséquent, à les fermer le samedi à vingt-quatre heures.

Elle a choisi une position plus souple, et qui lui a paru plus conforme aussi à la liberté de l'électeur de continuer de s'informer, pour éclairer son vote, même le jour du scrutin ; en cela, les sites internet lui sont plutôt apparus de la même nature que les déclarations des candidats, qu'il est toujours loisible à chacun de lire quelques minutes avant d'exprimer son vote. Elle a donc autorisé les candidats à maintenir leurs sites ouverts, y compris le jour du scrutin, à la condition que, pour éviter toute rupture d'égalité, et conformément à une jurisprudence traditionnelle du juge de l'élection (polémique électorale ne laissant pas à l'adversaire le temps matériel de répondre : par exemple, Conseil d'Etat, 27 janvier 1984, Elections municipales du Plessis-Robinson), les candidats s'abstiennent d'en modifier le contenu postérieurement à la campagne sur les ondes, c'est-à-dire après le vendredi soir à minuit.

C'est cette position qu'elle a fait connaître par lettre à chacun des candidats avant chaque tour de scrutin et qui a fait l'objet également d'un communiqué, lequel a été relayé notamment... sur internet (cf. Yahoo Actualités, « Multimédia », vendredi 19 avril 2002, 17 h 34).


2. Les autres sites de la campagne

a) Discussions, propagande ou contre-propagande


De nombreux sites internet ont vu le jour, ou ont enrichi un contenu préexistant, à l'occasion de la campagne, comme il est naturel. Ceux destinés habituellement à l'information (sites spécifiques ou sites de médias) ; ceux encourageant les « forums de discussion » ; ceux enfin émanant d'initiatives particulières, collectives ou même individuelles.

Comme elle l'a fait pour les sites des candidats, la commission a estimé que ces sites n'étaient pas autre chose qu'une variété formelle de l'information habituellement diffusée en semblable circonstance, qui doit donc être conçue et exprimée librement. Elle s'en est donc remis aux instruments usuels (essentiellement le juge pénal) pour réprimer d'éventuels excès (diffamation...). Les nombreux sites satiriques, en particulier, ne lui ont paru en aucune manière une atteinte à l'égalité (pas davantage que telle émission télévisée de la même veine).

Elle n'est donc pas intervenue en la matière et, d'ailleurs, aucun fait digne d'attention ne lui a été signalé.


b) Diffusion d'informations réglementées


La libre opinion ne saurait toutefois autoriser la diffusion d'informations que la loi soumet à réglementation et singulièrement, en matière électorale, les sondages d'opinion et les résultats des élections. Pour les sondages, la loi du 19 juillet 1977 en réglemente la diffusion la veille et le jour du scrutin « par quelque moyen que ce soit » ; pour les résultats, il est logique d'admettre, sous réserve de l'appréciation des juges compétents, que la prohibition qui s'applique expressément à la presse et « tout moyen de communication audiovisuelle » englobe aussi dans sa généralité les sites internet.

Mais ces sites ne posent en ce sens aucune question nouvelle. Les inconvénients qui résulteraient, par exemple, d'une diffusion précoce de résultats, ne sont pas distincts de ceux qui ont été évoqués plus haut à propos des chaînes de télévision. Le problème posé réside davantage dans la détection de l'infraction que dans sa nature.

En tout état de cause, la commission n'a été saisie, et n'a eu à se saisir, d'aucune anomalie au cours de la campagne.


E. - Le déroulement de la campagne outre-mer


Les données géographiques propres à beaucoup de collectivités territoriales d'outre-mer - dispersion insulaire, isolement de certaines communes... - rendent plus difficile la tâche d'organisation des élections (cf. note 8) . L'éloignement de la métropole et le décalage horaire exigent des moyens particuliers d'acheminement sur place des modèles de matériel électoral et de retour à Paris des procès-verbaux du scrutin. Il faut imaginer des solutions pour remédier à certaines particularités locales (illettrisme par exemple) (cf. note 9) . Enfin, on imagine sans peine l'aspect crucial que pourrait revêtir le vote des collectivités s'exprimant plus tardivement que la métropole dans un scrutin serré au premier ou au second tour. Ce sont les raisons pour lesquelles les opérations électorales outre-mer font l'objet de circulaires particulières (cf. note 10) , élaborées par le ministère compétent, largement inspirées des circulaires en vigueur en métropole, mais adaptées aux institutions et plus détaillées dans certaines matières. Ce sont aussi les motifs qui ont conduit, comme par le passé, le Conseil constitutionnel et la commission, ainsi qu'il a été indiqué dans la première partie de ce rapport, à envoyer pour la durée de la campagne et les deux tours de scrutin des délégués communs dans les différentes collectivités concernées.

Les difficultés qui ont pu survenir dans le déroulement des opérations outre-mer ont été signalées dans les développements du rapport qui précèdent. Mais la présence des délégués a d'évidence permis de les surmonter plus aisément. Ainsi, la retransmission intempestive des émissions métropolitaines donnant des résultats, le 21 avril, a-t-elle fait l'objet d'observations immédiates visant à y remédier (la retransmission de la chaîne LCI a été interrompue en Polynésie française) et à prévenir de semblables infractions pour le second tour. Des événements locaux susceptibles de provoquer des incidents (incarcération d'un commerçant ; modifications in extremis par le juge judiciaire de la liste électorale ; propos publics mal interprétés d'un procureur de la République...) ont été apaisés (sous l'égide du représentant de l'Etat). De manière générale, les délégués ont pu, grâce à l'aide des représentants de l'Etat, largement circuler dans les territoires ou départements et observer de manière concrète le déroulement de la campagne et du scrutin.

La commission dresse donc un bilan très positif de l'utilité de l'envoi des délégués outre-mer, même si leur rôle doit être, sur place, clarifié avec ceux de la commission locale de contrôle et du représentant du Conseil constitutionnel. L'expérience ainsi faite doit amener la commission et les administrations responsables à réfléchir, comme il a déjà été mentionné à propos des rapporteurs, sur l'utilité de déplacements (sans doute plus concentrés dans le temps) de représentants de la commission et du Conseil constitutionnel dans des collectivités de métropole ou dans des centres de vote à l'étranger.


TROISIÈME PARTIE

Difficultés et propositions


Les propositions que la commission peut être amenée à faire à l'issue de la campagne électorale pour l'élection présidentielle de 2002 sont la conséquence directe des observations qu'elle a faites sur le déroulement des événements, qui sont retracées dans la deuxième partie.

On peut les résumer en quatre problématiques distinctes.


A. - La date du scrutin outre-mer


La première est issue de ce qui vient d'être énoncé sur les conditions du vote outre-mer, en particulier dans les collectivités qui, pour des raisons purement géographiques, votent plus tardivement qu'en métropole. La liberté de l'électeur y est malmenée en raison des informations qui proviennent de la métropole sur les résultats ; la loi - à tort ou à raison, on n'entrera pas ici dans ce débat - a voulu la sauvegarder en prohibant la diffusion de résultats. L'interdiction a été ignorée en Martinique et en Polynésie française et elle risque de l'être de plus en plus. Or, les électeurs de ces collectivités méritent autant de considération que les autres.

La question serait au surplus beaucoup plus sensible encore, on l'a indiqué, si l'issue d'un scrutin dépendait de la répartition de quelques dizaines de milliers de suffrages (tant pour la détermination du candidat arrivé en seconde position au premier tour que pour celle du vainqueur au second). La préservation de la sérénité du vote serait, dans cette hypothèse, un impératif encore plus fort, si l'on peut ainsi écrire, pour en sauvegarder le caractère incontestable et pour conférer à l'élu la légitimité que confère l'expression d'un vote clair. Tel ne serait pas le cas si des résultats, par hypothèse très serrés, étaient connus localement.

Dans un tel cas de figure, lorsque l'issue d'un scrutin s'annonce dépendante d'un faible nombre de suffrages et que, pour des raisons matérielles, le vote ne peut être simultané partout dans la circonscription, il est évidemment préférable de faire voter au préalable les électeurs en nombre restreint pour les fondre ensuite dans la majorité des électeurs les plus nombreux plutôt que l'inverse : le scrutin est toujours serré, mais son issue n'est pas liée à tel ou tel groupe restreint d'électeurs s'exprimant après les autres. C'est la raison pour laquelle, pour l'élection des députés, et par dérogation au droit commun, l'article 397 du code électoral prévoit une date de scrutin le quatrième samedi suivant la publication du décret convoquant les électeurs en Polynésie française, soit antérieurement au vote dans les circonscriptions métropolitaines (qui a lieu le cinquième dimanche après publication du même décret - art. L. 173 du code électoral).

Mais la difficulté en la matière réside dans le caractère constitutionnel, s'agissant de l'élection du Président de la République, du vote dominical. L'article 7 de la Constitution prévoit que lorsqu'aucun candidat n'obtient la majorité absolue au premier tour, « il est procédé, le deuxième dimanche suivant, à un second tour ».

La solution de cette difficulté est donc délicate. Mais la commission n'entend pas entrer trop avant dans une difficulté qui concerne largement le Conseil constitutionnel, même si elle a un retentissement sur la campagne électorale et les moyens d'information qui y sont utilisés (on a signalé notamment la question des sociétés de services audiovisuels et celle des sites Internet).


B. - La date de la mise en place de la commission


Le Conseil constitutionnel comme la commission avaient fait valoir postérieurement à l'élection présidentielle de 1995 l'intérêt d'une mise en place plus précoce de la commission. On a déjà signalé qu'à la suite de ces observations, les dispositions du décret du 8 mars 2001 ont prévu une reconstitution plus précoce de la commission, dont la première réunion a eu lieu (à calendrier comparable) une semaine plus tôt que lors du scrutin précédent.

Mais, sans vouloir réclamer pour la commission un rôle plus précoce encore, force est de constater que sa présence vient encore trop tardivement dans deux domaines.

Le premier est celui de l'examen des circulaires ministérielles organisant la campagne et le scrutin. On doit comprendre ici la nécessité impérieuse où se trouvent les administrations responsables de prévoir suffisamment tôt des instructions aux représentants de l'Etat chargés de l'organisation locale du scrutin : la passation des marchés avec les afficheurs, le recrutement de vacataires pour la mise sous plis des déclarations, les informations données aux maires, par exemple, ne peuvent évidemment s'improviser au dernier moment. Mais on doit donc en déduire que ou bien des circulaires seront entrées en application dès avant la réunion de la commission, ou bien leur examen par celle-ci ne pourra être que pro forma parce qu'elles auront fait déjà l'objet d'un examen par le Conseil constitutionnel.

Le second, beaucoup plus important, est celui du contrôle du matériel électoral. L'importance quantitative de ce matériel pour les candidats a été soulignée d'entrée de jeu dans ce rapport. On doit ajouter que le choix du thème d'une affiche, d'un slogan de campagne, d'un « logo », du contenu d'une déclaration ne s'improvise, pas plus que les instructions ministérielles, au dernier moment. Pour les candidats les plus importants, ceux qui ont une quasi-certitude de figurer parmi les personnalités figurant sur la liste arrêtée par le Conseil constitutionnel, les décisions ont été arrêtées avant que ne soient soumises, en application du calendrier résultant du décret du 8 mars 2001, affiches et déclarations à la commission. On ne doit pas se dissimuler cette réalité, pas plus que celle qui conduit les candidats à envoyer dans les départements (lorsque l'impression ne se fait pas sur place) leur matériel avant même qu'il ait été approuvé par la commission. Ce qui tendrait à rendre le contrôle de celle-ci quelque peu irréel, voire tout à fait théorique.

A la réflexion toutefois, ces deux inconvénients ne paraissent pas majeurs.

L'absence de regard efficace de la commission sur un certain nombre de directives ministérielles n'est pas de nature à nuire à leur qualité. D'une part, les administrations qui les écrivent ont une solide expérience ; elles ont tiré, comme les organes de contrôle, les leçons des scrutins antérieurs ; elles sont à l'origine de la rédaction des textes réglementaires qui encadrent l'élection. Mais surtout, ces textes sont, en tout état de cause, soumis au Conseil constitutionnel qui a pour lui la permanence, et se prononce sur chacun des textes, même les plus précoces. Il est évidemment souhaitable que la commission continue d'examiner les circulaires : il faut qu'elle les connaisse ; elle sera chargée en partie de les appliquer ; elle peut, en raison de son expérience, faire valoir des remarques de droit ou de fait utiles. Mais la mise en oeuvre de directives (portant d'ailleurs sur des sujets un peu éloignés de la campagne proprement dite) n'apparaît pas comme un obstacle dont les conséquences seraient lourdement négatives.

Quant à l'absence de contrôle a priori sur le matériel électoral des candidats, elle n'a pas en réalité le défaut qu'elle semble avoir au premier abord. D'une part, un nombre non négligeable de candidats, surtout naturellement parmi ceux qui n'étaient pas sûrs de figurer sur la liste du Conseil constitutionnel, n'ont pas souhaité, compte tenu des incertitudes, engager à la légère des dépenses (certes remboursées mais sous conditions), et n'ont donc pas prévu à l'avance leurs affiches et déclarations, dont la confection se fait dans un temps compatible avec l'intervention de la commission. Mais surtout, pour les autres, peu importe après tout qu'ils se croient fondés à diffuser des documents non agréés, à avoir prévu de longue date les documents, à avoir imprimé, dès avant le premier tour, les affiches du second... Ils le font à leurs risques et périls, compte tenu des obligations que la loi électorale fait peser sur eux, compte tenu aussi du contrôle, dont ils savent qu'il interviendra nécessairement, de la commission, sur le respect des prescriptions législatives et réglementaires. Naturellement, cet effet de prévention que joue la commission serait sans portée si la commission était prête à s'accommoder de tous les excès et à passer le respect du droit applicable par pertes et profits : mais tel n'est pas le cas. En refusant d'agréer l'affiche d'un candidat pour le premier tour, la commission savait qu'elle était la cause de difficultés importantes ; elle n'a aucunement hésité à faire prévaloir le respect de la règle commune sur ces inconvénients. En sorte que, quelle que soit la date de la décision effective de la commission, tous les candidats doivent composer avec elle.


C. - Les règles applicables aux moyens de propagande


A l'issue d'une savante chronique sur le contentieux des élections municipales de 1984, ses auteurs relevaient en conclusion : « la permanence de certaines règles vieillies ou désuètes relatives notamment aux inéligibilités et incompatibilités ou au format des bulletins contraste singulièrement avec l'absence de toute disposition adaptée aux réalités des campagnes modernes qui se jouent désormais largement ailleurs que sur les panneaux réglementaires d'affichage ou par le biais des professions de foi » (cf. note 11) . Après eux et beaucoup d'autres, la commission peut faire un constat du même ordre.

Il convient certes de le nuancer puisque, depuis lors, sont intervenues à partir de 1988 plusieurs mesures législatives qui ont rigoureusement réglementé l'usage des dépenses dans les opérations électorales. Elles en ont limité les effets spectaculaires au sens strict, au point que, rituellement, avant chaque scrutin, désormais, les médias s'étonnent de l'« atonie » des campagnes par rapport à la profusion ancienne des moyens de propagande, en oubliant que le législateur a voulu qu'il en aille ainsi. Les limites apportées à la publicité commerciale, par exemple, mentionnées dans ce rapport, en sont une illustration.

Mais le constat demeure pour l'essentiel. On ne peut qu'être frappé de la précision des prescriptions qui s'attachent à l'imprimé électoral écrit, qui doit être confectionné, littéralement, au millimètre près, et à la généralité de celles qui s'appliquent à d'autres moyens de communication. De même, s'agissant de l'audiovisuel, les émissions des candidats diffusées sur les chaînes publiques dans le cadre de la campagne qui leur est réservée sont-elles rigoureusement encadrées (cf. note 12) ; les autres émissions ne sont pas même mentionnées ou définies, en dehors des obligations très générales d'équité ou d'égalité selon le cas. On a même procédé récemment à une déréglementation partielle : la loi no 2002-214 du 19 février 2002 a réduit très sensiblement la durée de l'interdiction de diffusion de sondages électoraux avant la date de chaque scrutin, en raison d'un arrêt de la Cour de cassation ayant jugé, à propos des sanctions pénales, le dispositif initial de prohibition contraire aux stipulations de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (Cour de cassation, chambre criminelle, 4 septembre 2001, annulant l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, du 29 juin 2000).

Un tel contraste a une part d'explication. C'est que la réglementation des campagnes électorales doit concilier à la fois l'égalité la plus stricte entre les candidats et la liberté d'expression qui doit être la leur (d'autant plus, si l'on peut risquer cette formule, qu'ils ont à professer des opinions et exposer un programme) ; elle doit concilier aussi le respect de la volonté de l'électeur et de la libre parole des commentateurs ; elle doit concilier enfin l'inévitable polémique qui accompagne le développement d'idées opposées avec le respect des personnes. Comme toutes les conciliations, elle constitue un exercice difficile, dans lequel la rigueur, le pointillisme même, inévitables, des réglementations des moyens de propagande viennent se heurter aux impératifs de liberté, par conséquent à l'absence de règles. Il est à craindre que ces frontières, toujours délicates à tracer, et qui ne peuvent être fixées ne varietur, suscitent de part et d'autre l'incompréhension.

On le voit bien en matière audiovisuelle. Les recommandations du CSA sont mal perçues par les professionnels des médias ; les émissions de la campagne officielle sont, à l'opposé, quelque peu fabriquées ou compassées et l'audience n'est d'ailleurs pas toujours au rendez-vous. A l'opposé, la place faite à certains candidats, avant la période des quinze derniers jours précédant le scrutin, ou la diffusion hâtive de résultats au soir du vote, sont condamnables. Peut-être le prononcé de sanctions claires, même exceptionnelles, définirait-il mieux l'équilibre à tenir que des rappels incessants sous forme de lettres ou de communiqués pas toujours suivis d'effets. Sans doute y a-t-il aussi la possibilité, en maintenant strictement la règle de l'égalité, d'offrir davantage de latitude aux candidats pour la réalisation de leurs émissions. Il en va de l'intérêt porté au discours politique sans pour autant céder à la « politique spectacle » ou au « spectacle politique ».

Il ne faut pas tout réglementer. La commission doit prévenir les inégalités ; le juge de l'élection est là pour corriger certains excès ; le juge répressif pour punir les infractions. Mais l'introduction de nouveaux moyens de communication impose une réflexion. La commission a fait un premier pas, en bornant l'usage des sites Internet des candidats. Quelques précisions législatives s'imposeront sans doute en ce domaine. De manière générale, on ne peut qu'être frappé de l'écart qui subsiste entre des réglementations tatillonnes dans certains domaines de la pratique électorale et des imprécisions majeures dans d'autres ; ou des contrastes surprenants : comment expliquer aujourd'hui que la « combinaison des trois couleurs : bleu, blanc et rouge » soit interdite sur les affiches et autorisée sur les déclarations des candidats ? Ne vaudrait-il pas mieux l'interdire ou l'autoriser sur tous les supports. Le droit des campagnes électorales est vénérable et il faut s'en féliciter. Mais sa présentation et son contenu ont besoin désormais d'être revus.


D. - « Pré-campagne » et campagne électorale


La question la plus délicate est sans aucun doute celle qui est relative au calendrier de la campagne électorale.

On y a fait déjà allusion. Le dispositif voulu par le constituant et le législateur, avec la force qui s'attache à des textes adoptés par référendum, est clairement celui d'un processus de parrainage des candidats, d'ailleurs durci avec le temps, qui est un préalable à tout le reste. La campagne électorale ne peut donc commencer que lorsque les candidats ont été déterminés par le Conseil constitutionnel. Toute autre hypothèse serait absurde, puisque les candidats, comme il a été indiqué dans la première partie de ce rapport, n'ont pas d'existence juridique. Or, dans la mesure où la loi organique précise que la liste des candidats est publiée « quinze jours au moins avant le premier tour de scrutin » et que, dans la pratique, on ne s'est guère écarté (par excès) de ce délai, les opérations sont enfermées dans un calendrier extrêmement serré.

La question du calendrier se pose de deux manières.

En premier lieu, les autorités responsables doivent veiller à ce que la préparation du scrutin, qui concerne une seule circonscription sur l'ensemble du territoire de la République, la totalité des électeurs et un grand nombre de candidats, soit assurée en quinze jours. Or, le nombre et le nom des candidats ne sont connus qu'à l'orée de la période. Certes, on peut spéculer à l'avance sur leur nombre. Mais le résultat n'est pas garanti. Des calculs ont été ainsi faits en 2002 par différentes instances : aucune hypothèse n'excédait un nombre de quinze candidats. Il y en a eu seize.

On doit mesurer la grande compression chronologique qui fait se succéder, par exemple, le dépôt par les candidats de leur matériel électoral, son examen par la commission, l'envoi de millions d'affiches et de déclarations sur tous les points du territoire, la mise sous pli des déclarations, leur envoi aux électeurs, l'apposition des affiches dans toutes les communes, en temps suffisant pour observer les délais réglementaires et garder à ces documents un caractère utile. Dans un temps très resserré, une multitude d'acteurs concourt au succès de l'opération ; sur chacun d'eux, y compris les candidats, pèsent donc de lourdes contraintes, puisque la moindre inobservation des délais se répercute en chaîne. Il n'est pas évident que des personnels mobilisés intensément durant cette période, et qui intègrent évidemment la dimension exceptionnelle de l'événement, soient toujours enclins à participer à l'opération avec la même résolution ; que des matériels soient disponibles comme il convient. Sans doute des solutions techniques devraient dans certains cas alléger les tâches (la commission a bien songé à l'envoi dans chaque préfecture du matériel électoral par voie de messagerie électronique : les dimensions des affiches ont rendu ce projet irréalisable) : mais on ne doit pas tout attendre de leur mise en oeuvre.

Surtout, on doit même se demander s'il n'y a pas là, pour les candidats dont c'est la première expérience électorale de grande ampleur, une gageure impossible à tenir, rendant des difficultés inévitables. La commission ne saurait évidemment se satisfaire du fait que des affiches ne sont pas parvenues à temps dans des communes éloignées, ou que leur nombre s'est avéré insuffisant, ou encore que les placards lacérés n'ont pas été remplacés efficacement. Concrètement, l'égalité, dans un domaine pourtant où la règle est « pointilliste », n'a pas été toujours scrupuleusement observée.

En second lieu et surtout, on doit revenir sur la distinction, ignorée par les textes (à l'exception des recommandations du CSA), mais cardinale dans la pratique, entre « pré-campagne » et campagne. La pré-campagne n'existe pas : on serait bien en peine, d'ailleurs, de lui donner la moindre date de départ : cinq ans, deux ans, un an avant la date du scrutin ? Ou trois mois, deux, un ? Et pourquoi telle date plutôt qu'une autre. Mais si elle n'a pas d'existence, comment prétendre la réglementer ? A l'opposé, on a déjà indiqué que ce n'était pas là la réalité politique ; les médias (alléguant relayer sur ce point l'opinion) ont même reproché aux deux présumés principaux candidats de l'élection de ne pas se déclarer suffisamment précocement, pour permettre au pays de se prononcer à l'issue d'une « vraie » campagne.

De cette ambiguïté naît une incertitude sur la période pendant laquelle s'applique avec toute sa rigueur la réglementation électorale. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel a tourné la difficulté en prescrivant différemment pour la « pré-campagne » et la campagne : équité dans un cas, égalité dans le second. Mais cette manière de faire, outre qu'elle met en jeu, comme on l'a mentionné, un concept parfois ambigu, apparaît paradoxale. S'il y a débat électoral, et si l'égalité des candidats importe, pourquoi attendre si tard pour la mettre en oeuvre ?

A la vérité, il paraît difficile d'échapper à l'alternative suivante. Ou bien seule la campagne est réglementée, mais alors il faut écarter de toute réglementation la « pré-campagne » et estimer que, pour animée quelle soit, celle-ci fait partie intégrante du fonctionnement démocratique et n'appelle pas d'autres limites que celles usuellement en vigueur. Ou bien chacun constate que la période qui précède la campagne a des incidences évidentes sur le déroulement de cette dernière et aussi sur le résultat du scrutin, mais dans cette hypothèse, il faut résolument s'engager dans une réglementation nettement plus en amont de la date du scrutin. On comprend bien pourquoi il n'est nul besoin de réglementer plus de quinze jours l'apposition des affiches. La date de mise en place des panneaux électoraux commande le reste ; or cette date est déterminée par les communes (peu de temps avant le scrutin) et ne dépend pas des candidats. Mais ce qui vaut pour les affiches, ou pour tout ce qui dépend de personnes publiques, ne s'applique pas aux autres moyens de communication.

La commission ne prétend pas, dans le cadre de ce rapport, proposer un remède propre à venir à bout de toutes les aspérités que recouvre cette question. Mais, dans son fonctionnement pratique, elle a été sensible aux inconvénients qui tiennent à une campagne très brève, enserrée dans des délais très contraignants pour les opérations matérielles nécessaires.

C'est pourquoi, elle propose que l'acte dont tout dépend, c'est-à-dire l'établissement de la liste des candidats par le Conseil constitutionnel, soit avancé d'une semaine, ce qui suppose bien entendu que les dates d'envoi des formulaires de présentation (antérieure de quinze jours au décret de convocation des électeurs) et de dépôt de ces formulaires au Conseil constitutionnel (dix-huit jours au moins avant le premier tour) soient elles-mêmes avancées d'une durée équivalente. Il n'y a pas là d'obstacle infranchissable.

Une telle proposition paraît compatible avec les délais dans lesquels le Président sortant et le Président élu doivent se succéder, puisque le troisième alinéa de l'article 7 de la Constitution se borne à déterminer la date avant laquelle le scrutin doit avoir lieu (vingt jours au moins et trente-cinq jours au plus avant la fin du mandat du Président en exercice). Elle est certainement plus délicate à mettre en oeuvre en cas de vacance de la Présidence de la République ou d'empêchement définitif, puisque dans cette hypothèse, l'élection doit avoir lieu vingt jours au moins et trente-cinq jours au plus après l'ouverture de la vacance ou la décision relative à l'empêchement. Mais il n'est pas interdit de penser qu'une campagne de trois semaines pourrait néanmoins se dérouler dans cette hypothèse, ou au moins dans celle où le scrutin aurait lieu dans un délai de près de trente-cinq jours (cf. note 13) ; au surplus, seuls les délais minimaux étant impératifs dans la loi organique (« quinze jours au moins avant le premier tour de scrutin..., le Gouvernement assure la publication de la liste des candidats »), la campagne pourrait être ramenée à une durée de quinze jours dans ce cas exceptionnel.

Un autre inconvénient possible réside dans la différence de durée qui existerait alors entre la campagne du premier tour (trois semaines) et celle du second tour (quinze jours). Mais rien ne paraît s'y opposer, surtout si l'on admet que les deux ne sont pas de même nature et que, selon une vérité d'évidence mais qui a son importance politique, la « seconde campagne » a été précédée de... la première.

Les avantages d'un tel allongement ont paru à la commission l'emporter nettement sur ses inconvénients. Ils sont de nature à diminuer ou à faire disparaître les difficultés matérielles qu'elle a rencontrées. Surtout ils lui paraissent résoudre, au moins en partie, la question d'une « pré-campagne » qui ne devrait ni être définie, ni être encadrée : sauf naturellement à maintenir les dispositions actuelles du code électoral (art. L. 50-1, L. 51, L. 52-1) et à demander aux services audiovisuels d'être un honnête reflet de l'actualité relative à l'élection, en laissant aux autorités compétentes le soin de sanctionner dans les faits les abus manifestes.

La commission, cette institution à éclipses, s'est efforcée de tenir sa place dans l'élection présidentielle de 2002. Elle a voulu, conformément à sa mission, agir comme garant de l'égalité entre les candidats, non seulement dans l'action des autorités publiques, mais aussi des autres acteurs des opérations électorales, et également des candidats entre eux. Elle a entendu assurer le respect, par les uns et par les autres, des dispositions législatives et réglementaires qui leur sont applicables, à la fois préventivement, du fait de sa seule existence, et plus activement, par ses interventions. Ce faisant, elle a été amenée à jouer, en outre, un rôle de conseil dans la manière de comprendre les textes relatifs à l'élection et de les appliquer. Il lui apparaît donc que, dans les circonstances du scrutin des 21 avril et 5 mai 2002, sa mission a conservé le caractère nécessaire qu'elle avait eu dans les précédents scrutins présidentiels ; qu'elle assurait aussi, à sa place et dans les limites de son action, une part de ce qui fait que l'élection présidentielle, événement important de notre démocratie, est incontestable dans son déroulement. Sans que doivent être remis en cause les principes de l'organisation de la campagne de cette élection, elle a constaté toutefois que tant la réglementation en vigueur que les comportements nécessitaient encore des ajustements qu'elle a définis.